L’éthique écopoéticienne chez Antoine de Saint Exupéry

DOI : 10.54563/mosaique.2404

Résumés

Le regard nostalgique que porte Saint Exupéry sur le monde permet de laisser transparaître son intérêt incontestable pour la nature : bien avant que l’écologie n’imprègne tous les esprits de l’intelligentsia, Saint Exupéry fait entendre la voix d’un penseur d’une écologie traditionnelle et sociale. Au constat pessimiste d’un déclin et face au désenchantement, l’homme nostalgique se fait écrivain, rappelant non seulement la fusion harmonieuse possible et nécessaire entre l’homme et la nature, mais renouvelant aussi l’aspiration romantique à inscrire l’homme au sein du vivant. Précurseur d’une écopoétique, quoique voilée, Saint Exupéry témoigne de sa sensibilité écologique par le biais de l’apologie d’un retour à la terre et d’une éthique de vie paysanne qui nous invitent à repenser notre relation à la nature et ne cessent de questionner les rapports entre l’oikos et les règnes minéral, animal et végétal.

Saint Exupery's nostalgic view of the world lets his undeniable interest in nature to come through: long before ecology entered all the intelligentsia's thoughts, Saint Exupery made the voice of a thinker heard a traditional and social ecology. The nostalgic man becomes a writer in the face of a pessimistic observation of decay and disenchantment, recalling not only the possible and necessary harmonious integration of man and nature, but also recreating the romantic aspiration to inscribe man within the living. A forerunner of ecopoetics, albeit a veiled one, Saint Exupéry demonstrates his ecological awareness by advocating a return to the land and an ethic of peasant life, inviting us to rethink our relationship with nature and constantly questioning the relationship between the oikos and the mineral, animal and plant kingdoms.

Index

Mots-clés

Saint Exupéry, Littérature, Nostalgie, Éthique, Écopoétique, Géopoétique, Écosensibilité

Keywords

Saint Exupery, Literature, Nostalgia, Ethics, Ecopoetics, Geopoetics, Eco-sensitivity

Plan

Texte

La termitière future m'épouvante.
Et je hais leur vertu de robots.
Moi, j'étais fait pour être jardinier1.

La lettre que Saint Exupéry écrit à Pierre Dalloz la veille de sa mort est un cri de révolte : laissant entendre son angoisse d’un futur dystopique, l’homme révolté propose une alternative tragique car irrésolue : « Moi, j’étais fait pour être jardinier. » Or, ce mélange de révolte et de nostalgie précapitaliste, dans une société menacée par la modernisation industrielle, oriente toute la production exupérienne. S’il n’est pas question de faire de Saint Exupéry « l’écologiste qu’il n’était pas », comme le soutient Virgile Tanase (2020 : 38), nous pouvons néanmoins soutenir avec Jean-Pierre Guéno (2016 : 305) que l’auteur, en tant qu’« observateur de la planète et de l’univers », se révéla sous bien des aspects être un « écologiste avant la lettre ». Il serait hasardeux de s’attacher à délimiter des périodes écologiques chez un écrivain qui était non seulement un pilote – l’avion n’étant pas l’outil privilégié des écologistes pour visiter la terre –mais qui, de plus travaillait à une époque non encore sensibilisée aux risques et aux menaces environnementaux. Par ailleurs, selon Pierre Schoentjes (2020 : 83), « l’univers romanesque s’est mis à intégrer la question environnementale à partir des années 70 ». Il serait par conséquent anachronique et abusif de passer les textes de Saint Exupéry au filtre du regard écologique actuel : ni la préoccupation environnementale, ni le droit des animaux ne s’expriment de façon exclusive et frontale dans l’œuvre exupérienne.

Cependant, par le biais d’une écriture nostalgique, chacune de ses œuvres laisse entendre l’écho de questionnements liés à cet intérêt, chacune de ses œuvres redit sa conviction d’une liaison cosmique des êtres et de la nature, de sorte que nous sommes sans cesse conviés à une réflexion sur la façon dont l’homme habite la terre et, en corollaire, sur son rapport à l’environnement – socles d’une éthique écopoéticienne. Scrutant en effet, selon Paul Nizan (1939, cité dans Saint Exupéry, 2018 : 724-725), les « rapports de l’homme à la terre et à la nature », Saint Exupéry développe toute une « philosophie d’un “paysan des escales” ». Néanmoins, cet appel au retour à l’espace naturel n’est pas exempt d’utopie, puisque « perce sans cesse [chez lui, et notamment dans Terre des hommes] le regret d’une harmonie vitale dont il est permis de se demander si elle a eu jamais une réalité » (Gascar, 1963 : 126). Dans cette perspective, l’éthique écopoéticienne de Saint Exupéry n’est-elle pas mise en péril par les accents utopistes qui nimbent certains de ses personnages ? Comment concilier, par l’écriture, l’expression d’une écologie traditionnelle et sociale avec l’idéalisation du rapport harmonique à la nature, atavisme littéraire entretenu par une civilisation rurale volontiers mythifiée ?

Nous verrons qu’en dépit d’une idéalisation de ce rapport harmonique, Saint Exupéry manifeste et exprime avec force son attachement au monde naturel. Nous proposons d’examiner l’apologie d’un retour à la terre par le biais de personnages incarnant une éthique de vie paysanne, apologie qui inscrit Saint Exupéry dans la quête du vivant où les relations qui se tissent entre les êtres humains et la nature, dynamique et énergique, deviennent la condition d’une existence pleine de sens.

L’apologie d’un retour à la terre

Face à la nature profanée que le pilote constate depuis l’avion2, face à l’anthropisation des milieux désertiques et sauvages qu’il côtoie en Argentine3, face au constat d’un effondrement nihiliste de l’habiter, Saint Exupéry tire la sonnette d’alarme : comment retrouver une relation d’intimité avec le monde ? L’apologie d’un retour à la terre comme alternative au modèle de société capitaliste est alors une façon pour l’écrivain de contrer le sentiment de dériver dans un univers atrophié. Comme l’analyse la sociologue Madeleine Sallustio (2018 : § 3), « le rattachement à des pratiques, valeurs ou des formes sociales stables que l'on suppose avoir appartenu au passé serait une façon […] d'endiguer l'angoisse d'un futur dystopique ». C’est dans cette logique que Saint Exupéry revient vers le milieu naturel connu empiriquement qui le rattache à la terre et prône un retour aux sources d’une civilisation qui respectait l’homme et son environnement. C’est ainsi qu’il crée des personnages porteurs d’un idéal d’équilibre entre l’homme et la nature, qui ont su conserver et préserver les valeurs authentiques, tels Geneviève ou le petit prince.

Geneviève, personnage inspiré de l’entourage familial de l’auteur4, est une femme cosmique et volontiers mythifiée dans Courrier Sud. Femme « abritée […] par cette robe vivante de la terre », domptant végétaux, animaux et humains, chérissant le contact de « la terre mouillée », Geneviève est une « fée » qui règne sur un parc débordant de vitalité (CS 53-56). Souveraine des fleurs (58), prêtresse du cosmos qui consulte la lune et écoute la nature, elle assiste, spectatrice exaltée « accoud[ée] à la fenêtre » (53), au crépuscule qui apaise l’être.

Âgée de quinze ans, Geneviève vit en osmose avec la nature et règne sur l’univers végétal et animal : « Vous aviez conclu tant de pactes avec les tilleuls, avec les chênes, avec les troupeaux que nous vous nommions leur princesse » (53). Initiant les garçons de treize ans aux secrets de la terre, elle leur demande « d’écouter parce que c’étaient les bruits de la terre et qu’ils rassuraient et qu’ils étaient bons » (53). Conteuse avérée, elle leur offre des « enseignements sur le monde », « réfléchiss[ant] gravement » aux questions des deux adolescents et « cherch[ant] sans doute la réponse chez les fougères, les grillons, les abeilles » (54). Si le souvenir de Marie de Saint Exupéry ou des sœurs d’Antoine aiguise la nostalgie de l’écrivain, offrant l’éthique de vie d’un retour à la terre, le personnage syncrétique, ressuscité par la réminiscence du narrateur, est volontiers déifié par ce dernier qui affine sa dimension mythique. En effet, d’une part la nature agit sur elle comme un antidote5, mais elle lui procure d’autre part une sève vivifiante et revitalisante :

[…] toi tu t’appuyais sur tes fougères, tes abeilles, tes chèvres, tes étoiles, tu écoutais les voix de tes grenouilles, tu tirais ta confiance de toute cette vie qui montait et autour de toi dans la paix nocturne et en toi-même de tes chevilles vers ta nuque pour ce destin inexprimable et pourtant sûr (55).

« Éternelle d’être si bien liée aux choses » (54), cette femme-nature reprend vie au contact de l’air : « Elle s’était fait porter le soir près de sa fenêtre. Les arbres vivaient, montaient, tiraient un printemps du ciel : elle était leur égale. » (61). Par le biais de ce personnage, Saint Exupéry exalte l’éthique d’un retour à la terre et nous invite à retrouver des joies, un bonheur simple, que la terre peut nous procurer. Réinventant la figure de la femme-nature qui oscille entre réalisme et reconfiguration mythique, il insiste sur l’héritage que sa mère lui a légué : le culte de la beauté de la création (Persane-Nastorg, 1993 : 38-39). Bien que ce rapport harmonique à la nature souligne l’évidence d’un atavisme littéraire en logeant le personnage dans les territoires du mythe et de l’utopie, Geneviève nous apprend à habiter la terre, puisqu’elle suscite un ensemble de réflexions environnementales qui aiguisent un certain nombre de schèmes culturels bâtis à partir de l’harmonie des règnes humain, animal et végétal.

Mais c’est surtout dans Le Petit Prince que Saint Exupéry développe une éthique de vie liée au respect de la terre. Cet ouvrage condense en effet toute la sensibilité environnementale de Saint Exupéry, en renouvelant « la conscience romantique du lien qui unit l’âme humaine à son environnement » (Collot, 2022 : 11) par une approche à la fois contemplative mais aussi très sensorielle avec le vivant. Petit personnage fasciné par les couchers de soleil, se préoccupant des fleurs ou des volcans et renouant un lien intime avec le monde, le petit prince est porteur de ce que Michel Collot (2022 : 17) appelle une « écosensibilité », qui est la « dimension sensorielle et affective » de l’homme « sensible […] à son environnement », qu’il « perçoit par tous les sens et […] ressent dans son âme et son corps ».

Le petit prince est en effet d’emblée présenté comme l’héritier des romantiques, ayant « pour distraction […] la douceur des couchers de soleil » et s’en justifiant de la manière suivante auprès du narrateur : « quand on est tellement triste on aime les couchers de soleil… » (PP 252-253). Grand contemplatif, il est représenté dès le début du conte assis sur sa planète, le visage tourné vers le coucher du soleil qu’il entrevoit derrière un rideau de fleurs (252). Cependant, cette contemplation n’exclut pas la participation active du petit prince, soucieux de la vie de sa planète. Peut-être davantage engagé dans l’expérience directe de la nature que ne l’étaient les romantiques6 (Schoentjes, 2015 : 25), le petit prince est peint sous les traits d’un jardinier qui protège sa fleur car « les fleurs sont faibles. Elles sont naïves. Elle se rassurent comme elles peuvent. Elle se croient terribles avec leurs épines… » (PP 254). L’activité du petit jardinier est simple et n’a rien de l’ambition des grandes personnes : « surveill[ant] de très près cette brindille qui ne ressemblait pas aux autres brindilles » (257), il assiste avec émotion à la lente éclosion de la fleur. Ensuite, avec beaucoup de délicatesse, et en dépit des caprices de la fleur, il s’occupe d’elle, l’arrose, la protège des courants d’air grâce à un paravent, et de la fraîcheur du soir grâce à un globe. Au-delà des multiples symboles de la rose7 (Lassus, 2014 : 105-107), la lecture écopoéticienne que nous privilégions ici nous permet d’apprécier la fleur en tant qu’élément végétal dont le petit prince se sent responsable. Prenant progressivement conscience du caractère « éphémère » de cette dernière, l’adjectif signifiant, comme le lui apprend le géographe, « qui est menacé de disparition prochaine » (PP 282), l’inquiétude du petit prince s’accroît tout au long de son voyage et le conduira à rejoindre sa planète : « Tu sais… ma fleur… j’en suis responsable ! Et elle est tellement faible ! Et elle est tellement naïve. Elle a quatre épines de rien du tout pour la protéger contre le monde… » (316).

Contrairement à l’adulte, qui n’a pas saisi l’importance de cette responsabilité – d’où la colère du petit prince au chapitre VII –, l’enfant est conçu comme un personnage privilégié en raison de son rapport singulier à la terre, ce que révèle une variante de la fin du chapitre XIII : « Moi, si je regarde les étoiles, comme elles sont belles, ce que je fais est sérieux. Moi, si je respire une fleur, comme elle embaume, ce que je fais est sérieux8. » Ce rapport innocent à la terre – qu’exploraient déjà, avant Saint Exupéry, Bernardin de Saint-Pierre, Vallès, George Sand ou Colette, et qu’on retrouvera plus tard chez Kessel ou Le Clézio – questionne la place de l’enfant au cœur du rapport à l’environnement. Être de grande pureté, le petit prince a des talents de pédagogue, nous apprenant à « faire soigneusement la toilette de la planète » (PP 250). La première leçon, au chapitre V, concerne le « drame des baobabs » (247), lesquels menacent la planète du petit prince, puisque s’ils « sont trop nombreux, ils la font éclater » (249). Pour préserver sa planète de cette catastrophe naturelle, l’enfant explique au narrateur comment habiter la terre :

C’est une question de discipline, me disait plus tard le petit prince. Quand on a terminé sa toilette du matin, il faut faire soigneusement la toilette de la planète. Il faut s’astreindre régulièrement à arracher les baobabs dès qu’on les distingue d’avec les rosiers auxquels ils ressemblent beaucoup quand ils sont très jeunes. C’est un travail très ennuyeux, mais très facile. (250)

Ce manifeste d’une écosensibilité amorcé au chapitre V se poursuit au chapitre IX : le petit prince, avant de partir, « m[e]t sa planète bien en ordre », « ramon[e] soigneusement ses volcans en activité » pour éviter « des tas d’ennuis » : « S'ils sont bien ramonés, les volcans brûlent doucement et régulièrement, sans éruptions. Les éruptions volcaniques sont comme des feux de cheminée. » (260). Avant même la leçon du renard, le petit prince apprend donc au narrateur, et à travers lui au lecteur, à percevoir et à « apprivoiser » la nature. Tout au long du récit le narrateur établit dès lors le portrait de l’enfant qui se forge en contraste avec les grandes personnes en raison de leurs rapports antinomiques à la nature. À la figure du « monsieur cramoisi [qui] n’a jamais respiré une fleur [et n’a] jamais regardé une étoile » (254-255), s’oppose celle de l’enfant aux cheveux blonds qui dit « regarder » et même « respirer » (259) les fleurs. Au businessman qui achète des étoiles, « les compte et […] les recompte » (274) par pur plaisir de possession, le petit prince répond :

Moi, dit-il encore, je possède une fleur que j'arrose tous les jours. Je possède trois volcans que je ramone toutes les semaines. Car je ramone aussi celui qui est éteint. On ne sait jamais. C'est utile à mes volcans, et c'est utile à ma fleur, que je les possède. Mais tu n'es pas utile aux étoiles.
Le businessman ouvrit la bouche mais ne trouva rien à répondre, et le petit prince s'en fut. (275)

Le Petit Prince aiguise donc une morale de protection de la planète : les réflexions et le comportement de l’enfant laissent scintiller une conscience environnementale qui sensibilise le lecteur aux dangers et aux menaces qui la guettent. Aux côtés du petit prince, qui prend une place considérable dans la réception de l’œuvre exupérienne, cheminent des personnages secondaires, anonymes, tout juste esquissés, mais qui rejoignent l’ethos de l’enfant mythifié. Les figures du paysan, du jardinier, du géographe – « Ça c’est enfin un véritable métier ! » (279) s’exclame le petit prince –, disséminées dans l’œuvre exupérienne, sont autant d’exempla qui dessinent cette complicité entre l’homme et la planète. En effet, celui qui écrit à Nelly de Vogüé (Corr. II : 963) en décembre 1943 qu’il « voudrai[t] être jardinier parmi des légumes », développe dans son œuvre, par le biais de ces figures, une éthique de vie paysanne qui restaure un contact avec le monde sensible.

Plaidoyer pour une « civilisation horticole »

De Courrier Sud à Citadelle, l’image contemplative du jardinier revient en effet comme un leitmotiv, créant ce que Jean-Claude Ibert (1960 : 48) nomme une « civilisation horticole ». L’on y voit le jardinier arroser amoureusement ses fleurs, tout en douceur, comme dans Courrier Sud : « La pelouse est fraîche, le jardinier lent arrose les fleurs » (CS 46). Dans Citadelle, le vieux jardinier et son ami, dont il est question dans le dernier chapitre, sont esquissés dans une posture de contemplation : « on les voyait se promener, le travail fini, considérant sans prononcer un mot les fleurs, les jardins, le ciel et les arbres. […] Et les fleurs bien ouvertes leur procuraient à tous les deux le même plaisir » (CI 830-831). Souvent associé à la naissance d’une rose9, le jardinier incarne une manière de revenir à un mode de vie un peu idéalisé – la réalité du métier étant largement endiguée. Ainsi, avant le petit prince, les jardiniers décrits dans la dernière page de Terre des hommes sont émus et assistent, émerveillés, à la naissance d’une rose : « Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s’émeuvent » (TH 284). Puis l’écrivain suggère dans la phrase suivante, dont l’équilibre rythmique des propositions assure une certaine langueur phonique, le geste amoureux du jardinier : « On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise » (TH 284). Les assonances en [O] et [ɔ̃] et les allitérations en [L] et [Z] magnifient le simple geste du jardinier qui devient presque, grâce à cet agencement phonique, une caresse délicate et sonore.

De même que le paysan, dont la figure ouvre le prologue de Terre des hommes, « arrache peu à peu quelques secrets à la nature » (171), le jardinier illustre une façon d’être au monde. Non seulement il équilibre, par sa « lutte perpétuelle » (VN 141), les forces végétales10, mais le contact physique avec la terre le sauve du néant puisque « pour celui-là seul qui gratte la terre, plante l’olivier et sème l’orge, sonne l’heure des métamorphoses » (CI 795). La vie du jardinier, telle qu’elle est distillée dans l’œuvre, est une vie simple, fondée sur des besoins essentiels. L’hommage au jardinier de Saint-Maurice11, convoqué dans Terre des hommes (TH 197) et dans Citadelle (CI 726), explicite ce lien vital entre l’homme et la terre qui assure précisément la grandeur de l’agonisant :

[…] je me rappelais une vraie mort d’homme. Celle d’un jardinier, qui me disait : “Vous savez… parfois je suais quand je bêchais. Mon rhumatisme me tirait la jambe, et je pestais contre cet esclavage. Eh bien, aujourd’hui, je voudrais bêcher, bêcher dans la terre. Bêcher ça me paraît tellement beau ! On est tellement libre quand on bêche ! Et puis, qui va tailler aussi mes arbres ?” Il laissait une terre en friche. Il laissait une planète en friche. Il était lié d’amour à toutes les terres et à tous les arbres de la terre. C’était lui le généreux, le prodigue, le grand seigneur ! (TH 197)

Cet hommage au jardinier est repris au chapitre CLXXVII de Citadelle ; on y retrouve le même ethos de la vie paysanne et rustique d’un homme réticent à laisser son « jardin en friche » :

J’ai connu celui-là qui était jardinier et mourant laissait un jardin en friche. Il me disait : “Qui taillera mes arbres… qui sèmera mes fleurs… ?” Il demandait des jours pour bâtir son jardin, car il possédait les graines de fleurs toutes triées dans sa réserve à graines, et les instruments pour ouvrir la terre, dans le magasin, et le couteau à rajeunir les arbres pendus à sa ceinture […]. (CI 726)

Saint Exupéry fait ainsi, par le biais de cette figure, l’éloge de la simplicité naturelle et prône un retour à la terre comme condition à la découverte de soi, puisque « la terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres » (TH 171). C’est ainsi qu’au terme de Terre des hommes, il s’attarde sur la figure singulière, toujours anonyme, d’un caporal enseignant la botanique au milieu de la guerre civile espagnole :

J’ai visité sur le front de Madrid une école installée à cinq cents mètres des tranchées, derrière un petit mur de pierres, sur une colline. Un caporal y enseignait la botanique. Démontant de ses mains les fragiles organes d’un coquelicot, il attirait à lui des pèlerins barbus qui se dégageaient de leur boue tout autour, et montaient vers lui, malgré les obus, en pèlerinage. Une fois rangés autour du caporal, ils l’écoutaient, assis en tailleur, le menton au poing. Ils fronçaient les sourcils, serraient les dents, ils ne comprenaient pas grand-chose à la leçon, mais on leur avait dit : “Vous êtes des brutes, vous sortez à peine de vos tanières, il faut rattraper l’humanité !” et ils se hâtaient de leurs pas lourds pour la rejoindre. (281)

L’antithèse entre les deux univers, l’un symbolisé par les « tranchées », l’autre par la « colline », se résorbe presque immédiatement dans la deuxième phrase par l’image surprenante du caporal, dont le grade convoque l’univers guerrier, tandis que son enseignement convoque celui de la botanique. Puis l’image du militaire disparaît dans la troisième phrase : non seulement le caporal manifeste un soin particulier à démonter « les fragiles organes d’un coquelicot », mais ses comparses deviennent, dans la narration, des « pèlerins barbus » qui écoutent « assis en tailleur, le menton au poing », l’étrange leçon, étape décisive de la reconquête de « l’humanité ».

L’intuition de la nécessité de préserver la « civilisation horticole » conduit l’écrivain à exhiber, dans une lettre qu’il écrit à Yvonne de Rose en mai 1944, l’abîme qui sépare les « êtres-jardins » et les « êtres-cour » :

[…] j’ai toujours divisé l’humanité en deux parties. Il y a les êtres-jardins et les êtres-cour. Ils promènent leur cour avec eux, ceux-là, et vous font étouffer entre leurs quatre murs. Et on est bien obligé de parler avec eux pour faire du bruit. C’est pénible, le silence dans une cour.
Mais dans les jardins on se promène. On peut se taire et respirer. On est à l’aise. Et les surprises heureuses viennent tout simplement au-devant de vous. On n’a rien à chercher. Un papillon, un scarabée, un ver luisant se montrent. On ne sait rien sur la civilisation du ver luisant. On rêve. Le scarabée a l’air de connaître où il va. Il est très pressé. Ça c’est étonnant et l’on rêve encore. Puis le papillon. Quand il se pose sur une large fleur, on se dit : c’est pour lui comme s’il se posait sur une terrasse de Babylone, un jardin suspendu qui se balancerait… Puis on se tait à cause de trois ou quatre étoiles (Corr. II 1047-1048).

Si les êtres-cour aiment le « bruit » et font « étouffer » leur compagnie, les seconds, au contraire, préfèrent « se taire et respirer » au contact d’une nature qui leur accorde un bonheur simple et des « surprises heureuses ». Le bestiaire convoqué, et qu’Anne Simon (2021 : 316) appelle une « infra-animalité12 », rassemble des insectes plus ou moins incongrus – « un papillon, un scarabée, un ver luisant » – devant lesquels Saint Exupéry se met à rêver. La suite de la lettre prolonge la conception d’une philosophie de vie par le contraste entre « gens-route nationale » et « les gens-sentiers » qui accroît l’antagonisme de deux présences au monde, l’une fondée sur l’urgence ambitieuse à franchir des bornes kilométriques, l’autre fondée sur la sérénité de la flânerie rêveuse et paresseuse :

J’ai aussi pensé autre chose. Il y a les gens-route nationale et il y a les gens-sentiers. Les gens-route nationale m’ennuient. Je m’ennuie sur le macadam parmi les bornes kilométriques. Ils marchent vers quelque chose de bien précis. Un gain, une ambition. Le long des sentiers, au lieu de bornes kilométriques, il y a des noisetiers. Et l’on flâne pour croquer des noisettes. On est là pour être là. À chaque pas on est là pour être là, non pour ailleurs. Mais il n’y a absolument rien à tirer des bornes kilométriques… (Corr. II 1048)

Comme l’écrira plus tard Jean-Luc Le Cleac’h (2017 : 64), « marcher c’est instaurer un autre rapport au monde, au temps, c’est développer une approche sensible, charnelle, à hauteur d’homme » ; parmi les nombreux itinéraires offerts, « le sentier constitue une approche privilégiée de l’espace, entretenant avec la géographie une relation de respect et de connivence » (Le Cleac’h (2017 : 105). C’est bien cette connivence, humble et émue, que devine le flâneur empruntant les sentiers bordés de noisetiers, et qui restitue la densité d’une présence au monde, ce « délicieux sentiment de “dilatation” de notre existence » que Jean‑Luc Le Cleac‘h (2017 : 39) définit comme une « sensation d’allègement des contraintes et de desserrement des mailles du temps que nous ressentons, sans oublier cette conscience accrue de nous inscrire dans le monde ».

L’éloge de la flânerie, garante de l’authenticité de la présence au monde, laisse entendre l’écho d’une amertume grandissante d’un homme précisément nostalgique de la « civilisation du ver luisant » et qui se présente comme un « vieillard » incapable de vivre dans une époque dans laquelle « on ne s’enferme plus en rien, on n’est plus nulle part » (Corr. II 1048). Le regret de l’inauthenticité d’une présence au monde conduit dès lors l’écrivain à exalter la philosophie de l’être-jardin, comme il l’écrit à Sylvia : « Un être humain vaut ce que vaut le jardin que l’on y trouve. Un jardin n’a que de faibles moyens : le bruit de l’eau, le bruit du vent, l’odeur des herbes. C’est avec ça qu’il fabrique son enchantement »13.

Empathie corporelle et sensorielle avec le vivant

La nostalgie de la coexistence entre l’homme et la terre régente dès lors le plaidoyer pour l’authenticité d’une présence au monde. Pour Saint Exupéry, l’écriture est une occasion de frayer une voie vers un monde qui s’éloigne, celui de la ruralité du xixe siècle. L’expression de la nostalgie d’une vie au plus près de la nature explique peut-être le désamour et le désintérêt qui frappèrent l’écrivain dès l’après-guerre, à une époque où, comme l’analyse Pierre Schoentjes (2020 : 77) à propos de Maurice Genevoix, « se réclamer du passé […] ne plaidait pas pour la capacité de l’auteur à prendre le pouls de son époque. C’était aller contre le sens de l’histoire ». Cependant, loin de se contenter d’une écriture archaïque et réactionnaire, Saint Exupéry développe dans son œuvre une nouvelle disposition de l’être au monde permettant de renouer le contact sensible avec l’environnement.

Au géographe du Petit Prince enfermé dans un savoir livresque, qui se définit comme « un savant qui connaît où se trouvent les mers, les fleuves, les villes, les montagnes et les déserts » mais qui « ne quitte pas son bureau », se contentant de « rec[evoir] les explorateurs » (PP 279-281) et, ce faisant, ignorant tout de sa planète, l’écrivain préfère le vrai géographe, celui qui vit et ressent pleinement ce qu’il voit sur la terre. C’est dans cette perspective qu’il fait du pilote Guillaumet un géographe et un explorateur, donnant une leçon de géographie atypique au novice qu’est alors Saint Exupéry (TH 176-17714). En effet, le novice, devant les cartes déroulées, reçoit une leçon de géographie ni abstraite ni impersonnelle, mais au contraire très personnelle et concrète. À la différence du géographe du Petit Prince, Guillaumet ne décrit pas le réel tel qu’il est mais tel qu’il apparaît aux yeux du pilote, dans l’évidence des sens. La géographie devient donc plus humaine, animée par le professeur qui ne s’attache pas à décrire une réalité objective, mais une réalité subjective, telle qu’elle importe au pilote devant se méfier des « trois orangers » de Guadix, du « ruisseau caché sous les herbes à l’ouest de Motril » qui devient dans sa bouche un serpent volontiers séducteur, comparé implicitement à Satan, ou de la « menace […] perfide » des « trente moutons qui te dévalent sous les roues… » (TH 176). En revanche, la petite « ferme vivante » (ibid.) près de Lorca est à noter soigneusement sur la carte, puisqu’elle peut servir de refuge. La leçon de Guillaumet s’inscrit donc bien dans ce qui sera appelé ultérieurement une démarche géopoétique – concept fondé par Kenneth White (fondateur de l’International Institute of Geopoetics en 1989) et défini par Sara Buekens (2019 : § 9) comme étant « une approche qui met l’accent sur la façon dont l’homme établit une relation avec l’espace à travers ses pensées, ses émotions et ses expériences sensorielles ». Déjà, Saint Exupéry affirme la nécessité d’un rapport renouvelé entre l’homme et la planète et revendique une approche volontariste de la terre.

Cette approche volontariste promeut une reconceptualisation des relations humaines avec la terre et le vivant. En réponse à l’obsession de l’homme moderne pour le monde de la technique, Saint Exupéry nous ouvre à une nouvelle réalité, au sein de laquelle l’élégance de l’homme s’articule à la conscience du vivant. Au milieu même du désert, dans un espace où la nature, indifférente et hostile, semble la plus réfractaire à l’homme, le pilote, « échoué […] dans une région de sable épais » (TH 206), éprouve le sentiment d’une intimité grandissante entre son corps et la chair du monde :

De la nuque aux talons, je me découvrais noué à la terre. […]
Je sentais la terre étayer mes reins, me soutenir, me soulever, me transporter dans l’espace nocturne. Je me découvrais appliqué à l’astre, par une pesée semblable à cette pesée des virages qui vous appliquent au char, je goûtais cet épaulement admirable, cette solidité, cette sécurité, et je devinais, sous mon corps, ce pont courbe de mon navire (TH 206).

Ces quelques lignes dessinent avec force le lien nourricier avec la terre, lequel rétablit l’équilibre cosmique menacé par l’exil géographique. Or, cet équilibre, Saint Exupéry le retrouve par l’empathie corporelle et sensorielle avec le vivant. Restaurant l’harmonie cosmique, il réinvestit ainsi la question du rapport primordial au monde.

C’est dans cette perspective qu’il accorde une attention toute particulière, non seulement aux bruits de la terre et des animaux, mais aussi à l’intelligence animale. En effet, dans un passage réécrit et savamment travaillé, extrait du chapitre VII de Terre des hommes, Saint Exupéry célèbre le comportement intelligent d’un fénech dont il voit les traces dans le sable (252-25315).

Cette scène se passe à l’aurore du deuxième jour dans le désert de Lybie, suite à un accident qui confronte le pilote et son mécanicien à un désert hostile, « décor […] funèbre » d’une mort certaine. La veille, les deux hommes ont « tendu des collets à l’orifice de quelques terriers mystérieux » mais, au matin, les pièges sont vides. Bien loin de se lamenter sur son sort, ce qui aurait été, somme toute, légitime, le « braconnier en [lui] se réveille » et ne « résiste pas à [s]on désir » de suivre les traces d’un fénech. Après avoir figuré succinctement l’apparition animale, grâce à une esthétique de l’adjectivation qui nous permet de visualiser le fénech absent – « petits carnivores gros comme des lapins et ornés d’énormes oreilles » –, le pilote se fait traqueur, s’engageant dans un jeu de piste singulier : celui de la trace. Le désert est dès lors dépouillé de toute dimension funeste et l’homme, confronté au péril de la mort, s’adonne au plaisir émerveillé d’une quête d’un animal dont la présence cachée le fascine. Le voilà donc, comme plus tard Baptiste Morizot, lecteur de signes sur la piste de l’invisible ; non seulement cette méthode d’enquête lui permet d’« apprendre à détecter les traces visibles de l’invisible », à « transformer de l’invisible en présences » (Despret, 2018 : 10), mais, grâce à l’attention perspectiviste qu’elle induit, le pisteur accueille la perspective de l’animal pour mieux comprendre son comportement.

L’écriture exhibe d’abord, grâce à la poétique de l’émerveillement, l’animal dont la présence se limite pourtant à une simple trace dans le sable. En effet, l’écriture déploie la métonymie de telle sorte qu’on assiste à la « promenade matinale » qui glisse volontiers vers un charmant ballet « sur une étroite rivière de sable », le fénech devenant presque un cygne avec sa « jolie palme que forment trois doigts en éventail », « trottant doucement », rejoignant un « compagnon » et « trott[ant] côte à côte ». Par le biais d’une observation qui recourt à la fiction – le traqueur « admire » puis « imagine » –, le désert se convertit en théâtre au sein duquel l’animal se donne en spectacle, spectacle qui accorde une « joie bizarre » au témoin et congédie sa soif.

Mais le ballet prend fin. La traque des traces s’achève lorsque le pilote s’arrête, intrigué, devant les « garde-manger de [s]es renards ». Le contemplateur se fait alors éthologue : les deux paragraphes qui s’ensuivent se rattachent sans peine à ce qu’Anne Simon – dans un entretien avec Denis Bertrand et Raphaël Horrein (2018 : § 10) – nomme une « éthologie de terrain16 ». À partir de son observation des arbustes plus ou moins chargés « de petits escargots dorés », Saint Exupéry, dans une logique inductive, constate que le fénech semble choisir son « restaurant ». Usant discrètement de l’anthropomorphisme, il semble même élever l’instinct animal jusqu’à une certaine forme d’intelligence : le fénech « dédaigne » certains arbustes et agit « avec une visible circonspection ». Pour rendre justice à l’intelligence animale, qui parvient à vivre dans le désert, Saint Exupéry se défait, dans une dynamique d’empathie, d’une vision anthropocentrée et tâche d’élucider le « grand mystère naturel » en développant un long paragraphe sur le comportement intelligent du fénech – micro-fiction animale dans laquelle se lisent conjointement fiction animale et fiction anthropologique. En effet, le narrateur-éthologue développe la « tactique indispensable » du fénech lequel devient l’allégorie de la prudence. Il commence par évoquer les risques de l’imprudence et de la précipitation, qui ne peuvent entraîner qu’un dénouement funeste : « S'il se rassasiait sans précaution, il n'y aurait plus d'escargots. S'il n'y avait point d'escargots, il n'y aurait point de fénechs. » Le fénech nous est alors proposé comme incarnant la vertu de prudence si chère à l’écrivain ; si cette vertu est une « tactique indispensable », c’est qu’elle est la condition pour (sur)vivre dans un monde de sécheresse.

Le comportement intelligent du fénech, dont Saint Exupéry tente de saisir la psychologie animale, est donc bien lié au « grand mystère naturel » qui sera mis à l’honneur, quelques dizaines d’années plus tard, par la zoopoétique. S’il n’est pas question de voir dans ce texte un plaidoyer en faveur d’une quelconque cause animale, l’apologue du fénech donne une clef de lecture à l’ensemble de l’œuvre exupérienne, l’animal apprenant au lecteur, par la reconfiguration romanesque, à habiter le monde.

Conclusion

En dépit d’une idéalisation du rapport harmonique à la nature, qui participe à la fois de l’utopie et du mythe, et bien qu’Antoine de Saint Exupéry ne se réclame pas ouvertement d’intentions écologiques, la thématique environnementale affleure de façon ponctuelle, presque fortuitement, dans son œuvre. Conformément à une sensibilité contemporaine – Kessel, Gary, Gascar, Gracq, Simon (Schoentjes, 2015 : 62-76) ; Exbrayat, Genevoix (Schoentjes, 2020 : 39-81) ou Giono (L’Homme qui plantait des arbres, 1953) – Saint Exupéry amorce un sujet qui allait prendre un poids considérable dans les décennies suivantes, de sorte que ses écrits appartiennent sans peine aux « antécédents littéraires de l’écologie » (Schoentjes, 2020 : 22).

L’originalité de Saint Exupéry réside dans cette combinaison particulière de nostalgie et d’intuition écologique ; car si Saint Exupéry, avant de nombreux écrivains écologistes, se met à « chanter la gloire de l’authentique, vieux réflexe de l’anthropologie » (Suberchicot, 2012 : 73), c’est en raison d’une conscience d’un déficit identitaire. Comme réponse au désarroi d’un monde repu mais dégradé, il nous offre un regard nostalgique, volontiers centrifuge, qui va des temps modernes aux temps passés.

Cependant, cette nostalgie assure une double orientation, puisque le recours à une éthique paysanne, dans laquelle la place de l’homme est pensée en relation avec la nature, vaut engagement pour le futur : le détour par le passé nous permet de retrouver l’ibi, l’oikos naturel, ne serait-ce qu’au sein de l’écriture. Saint Exupéry réenchante le monde grâce au postulat de la simplicité. Il trace les contours d’une écologie qui porte en creux un désir d’élégance morale fondée sur la quête du vivant.

Bibliographie

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BUEKENS S., 2019, « L’écopoétique : une nouvelle approche de la littérature française », Études de la littérature française des xxe et xxie, n° 8, URL : http://journals.openedition.org/elfe/1299

COLLOT M., 2022, « Romantisme et écopoétique », Revue électronique de littérature française, vol. 16, n° 1, p. 9-19.

DESPRET V., 2018 « Préface », in B. MORIZOT, Sur la piste animale, Arles, Actes Sud, p. 9-16.

GASCAR P., 1963, « Quand l’homme d’action se fait écrivain », Saint Exupéry, Paris, Hachette, p. 121-140.

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PERSANE-NASTORG M., 1993, Marie de Saint Exupéry. L’Étoile du Petit Prince, Paris, Éditions du Triomphe.

SAINT EXUPÉRY A. de, 1994 et 1999, Œuvres complètes, dir. M. AUTRAND & M. QUESNEL, avec la collaboration de P. BOUNIN & F. GERBOD, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », tomes I et II.

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TANASE V., 2020, « Une biographie nécessaire », Cahiers Saint Exupéry n° IV, Thonon-les-Bains, Éditions de l’Astronome, p. 37-50.

Notes

1 Antoine de Saint Exupéry, « Lettre à Pierre Dalloz », 30 juillet 1944, dans les Lettres amicales et professionnelles, in Œuvres complètes, tome II, dir. Michel Autrand et Michel Quesnel, avec la collaboration de Paule Bounin et Françoise Gerbod, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1999, p. 1051. Toutes les références, sauf mention contraire, renverront à cette édition des œuvres complètes, tome I (1994) et tome II (1999). Les abréviations utilisées seront les suivantes : CS pour Courrier Sud (1929), VN pour Vol de nuit (1931), TH pour Terre des hommes (1939), PP pour Le Petit Prince (1943), CI pour Citadelle (1948, posthume), Corr. I ou Corr. II pour les lettres écrites par Saint Exupéry et figurant dans le tome I ou dans le tome II, OC I ou OC II pour les autres écrits, suivant la même répartition. Chaque abréviation sera suivie du numéro de page ; nous indiquerons seulement le numéro lorsque l’œuvre citée est identique à celle de la référence précédente. Retour au texte

2 Les premiers récits de Saint Exupéry, Un vol (1923), L’Aviateur (1926) ou Courrier Sud (1929), témoignent d’une inquiétude prégnante face aux aménagements agraires et leur signature dans le paysage. Retour au texte

3 Survolant la Patagonie, le pilote porte un regard désabusé sur un paysage désertique et pourtant défiguré par les pylônes de fer et les puits de pétrole. Voir Marianne, 30 novembre 1932, OC I : 310-311. Retour au texte

4 « […] la vie d’Antoine, enfant, était en osmose totale avec sa famille, et aussi avec cet univers plus humble de plantes et d’animaux que constituaient Saint-Maurice et son parc. Cinq frères et sœurs formaient des groupes qui variaient au gré des humeurs et des saisons ; comme la Geneviève de Courrier Sud, ils concluaient des pactes avec les tilleuls, avec les troupeaux, avec les grillons, avec les crapauds musiciens et la lune montante » (Simone de Saint Exupéry, 1963 : 53). Retour au texte

5 « Votre visage s’apaisait par degrés quand, le soir, on rangeait le monde pour la nuit »(CS 53). Retour au texte

6 Pierre Schoentjes (2015 : 25) reproche aux romantiques l’insuffisance de cet engagement : selon lui, peu de « romantiques […] ont fait l’expérience directe de la nature. Leurs évocations doivent peu au vécu du corps et beaucoup à la contemplation ». Retour au texte

7 Pierre Lassus rappelle dans son essai (2014 : 105-107) que, si la rose du petit prince fait incontestablement référence à Consuelo, l’épouse de Saint Exupéry – cette dernière s’est elle-même vantée d’être à l’origine du personnage –, elle peut aussi faire penser à toutes les femmes de Saint Exupéry (hormis sa mère, idéal de femme) telles que Louise de Vilmorin ou Nelly de Vogüé. Retour au texte

8 « Notes et variantes » du Petit Prince, établies par Michel Autrand (OC II : 1365). Retour au texte

9 Voir :« […] le jardinier dans son jardin qui sait favoriser la naissance des roses », Antoine de Saint Exupéry, Préface au livre de Maurice Bourdet, Grandeur et servitude de l’aviation, 1933 (OC I : 431) ; Retour au texte

10 « Ainsi la lutte perpétuelle du jardinier sur sa pelouse. Le poids de sa simple main repousse dans la terre, qui la prépare éternellement, la forêt primitive »(VN 141). Retour au texte

11 Saint-Maurice-de-Rémens est une gentilhommière dont le parc offrira le principal décor de l’enfance d’Antoine. Retour au texte

12 Anne Simon (2021) définit l’infra-animalité comme « une animalité inférieure en taille et en valeur aux humains » (316) mais dont elle saisit toute la richesse : « Les vivants liminaux ont beau être minuscules, ils portent et supportent, aux yeux de nombreux poètes, la vie absolue, et des inventions formellement inouïes. Les insectes notamment, ces hyper-vivants apparemment soumis aux lois féroces d’une biologie purement instinctive, ont fasciné ceux qui ont su repérer l’expert en survie sous la carapace, la beauté dans l’immonde, la poésie par-delà l’innommable, l’artiste en ses ouvrages » (338). Si l’infra-animalité convoquée dans son essai est « le plus souvent négative, […] perçue comme relevant du multiple, de l’invasif et de la nuisance » (316), comme la vermine, les blattes ou les rats, elle rassemble aussi, à l’instar de La Fontaine, des animaux « taillé[s] pour les petits enfants et pour les faibles : grenouilles, oisillons, abeilles, frelons, rats, fourmis, souris, cigales, tortues, alouettes, scarabées, poissons, moucherons, autant de bestioles dotées de voix, et qui méritent un poème parce qu’elles ont de grandes choses à nous dire, ou de grandes actions à accomplir » (363). Retour au texte

13 Antoine de Saint Exupéry, « Lettre à Sylvia Hamilton », New York, 7 octobre 1942, in Saint-Exupéry, 2018 : 981. Retour au texte

14 On trouvait déjà l’empreinte de cette leçon dans Courrier Sud lors de la « veillée d’armes » de Bernis (CS 42). Retour au texte

15 Les citations suivantes (hormis celle de Vinciane Despret, préfaçant l’ouvrage de Baptiste Morizot) sont extraites de ces deux pages. Retour au texte

16 Anne Simon distingue deux formes d’éthologie, chacune rendant compte d’un rapport différent au réel : l’éthologie de laboratoire, « qui a souvent tendance à créer des protocoles d’observation ou d’expérimentation qui dessinent par avance les contours de la réponse attendue », et l’éthologie de terrain, qui abandonne le modèle spéculatif au profit d’une recherche sur le terrain. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Amélie Goutaudier, « L’éthique écopoéticienne chez Antoine de Saint Exupéry », Mosaïque [En ligne], 20 | 2023, mis en ligne le 05 février 2024, consulté le 29 avril 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/mosaique/2404

Auteur

Amélie Goutaudier

Docteur en Littérature et civilisation françaises, agrégée de Lettres Modernes et certifiée de Théâtre, Amélie Goutaudier a enseigné la littérature et le théâtre pendant quatorze ans au lycée, puis à l’Université de Picardie Jules Verne. En octobre 2023, elle a soutenu sa thèse sur La Nostalgie chez Antoine de Saint Exupéry, préparée sous la direction de Marie-Françoise Lemonnier–Delpy et récompensée par les félicitations du jury. Attachée temporaire d’enseignement et de recherche depuis septembre 2023 à l’Université de Rouen, elle est également membre de l’Association des Amis d’Antoine de Saint Exupéry.

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