Saints et païens : Anglo-Saxons et vikings à travers quelques sources hagiographiques (Xe-XIIe siècle)

DOI : 10.54563/mosaique.281

Résumés

Dans cet article, l’auteur étudie les relations entre Anglo-Saxons et Scandinaves et leur évolution dans le cadre de la christianisation de la Scandinavie en se basant sur les sources hagiographiques. Son but sera de mettre en lumière la vision que les auteurs chrétiens anglo-saxons ont de l’envahisseur viking, puis de voir si les Scandinaves, une fois christianisés, conservent cette image. Quelques saints retiendront plus particulièrement notre attention, comme saint Oda, archevêque de Canterbury d’origine danoise, ou saint Olav Haraldsson, roi de Norvège converti au christianisme en Angleterre.

In this paper the author is relying on hagiographical sources in order to study the relations between Anglo-Saxons and Scandinavians and their evolution in the context of the Christianization of Scandinavia. His goal is, first to highlight the image which Anglo-Saxon Christian authors gave of the Viking invaders, next to discuss whether the Scandinavians, once Christianized, remained subjected to that initial vision. Several saints will be studied with particular attention, such as Saint Oda, an Archbishop of Canterbury of Danish ascent, or Saint Olav Haraldsson, King of Norway, converted to Christianity in England.

Index

Mots-clés

Anglo-Saxons, christianisation, hagiographie, Scandinavie, vikings

Keywords

Anglo-Saxons, Christianization, Hagiography, Scandinavia, Vikings

Plan

Texte

En 793, une armée de Danois débarque sur les côtes de Northumbrie, dans le nord de l’Angleterre, et pille le monastère de Lindisfarne, qui était alors l’un des hauts lieux de la vie culturelle anglaise. Cette attaque des vikings1 n’était peut-être pas la première en Grande-Bretagne, mais son ampleur eut des répercussions dans toute l’Europe occidentale, et fut le point de départ de plusieurs siècles d’affrontements, mais aussi de cohabitation, entre deux peuples germaniques d’origine commune, séparés jusqu’alors par les aléas de l’histoire : les Anglo-Saxons2 d’une part, et les Scandinaves de l’autre. Par « Scandinaves », nous entendons les trois groupes de population qui émergent à cette époque dans le Nord de l’Europe, à savoir : les Danois, qui occupent alors le Jutland jusqu’au Schleswig, la Scanie et les îles situées entre ces deux contrées (Seeland, Fionie) ; les Suédois, concentrés sur la côte baltique entre le Götaland et l’actuelle ville d’Uppsala ; et les Norvégiens, dont les terres correspondent à peu près à la Norvège d’aujourd’hui. Signalons au passage qu’à l’occasion des raids et de l’installation en Angleterre de certains d’entre eux, les bandes vikings associèrent à leurs entreprises des aventuriers continentaux (francs, frisons, baltes) ou insulaires (anglo-saxons et irlandais), rendant ainsi difficile l’identification de leurs origines.

De nombreuses études ont montré la complexité des relations entre Anglo-Saxons et vikings d’un point de vue général (Bagge 2014) ou plus précisément sur le plan politique (McLeod 2014, Bolton 2017), religieux (Coviaux 2002), ou encore culturel et linguistique (Townend 2002). Nous nous proposons ici d’analyser à travers l’hagiographie l’évolution de ces échanges, depuis le Xe jusqu’au XIIe siècle, période où débuta la christianisation des peuples scandinaves. L’hagiographie rassemble les textes rédigés en l’honneur des saints. À ce titre, elle offre à l’historien la possibilité de mener une analyse à deux niveaux : d’une part celui des actions du saint de son vivant, réelles ou représentées par l’hagiographe, qui témoignent des échanges entre le monde chrétien et des groupes qui ne sont pas encore convertis ; d’autre part celui des conditions de réception du culte du saint après sa mort par sa propre communauté ou par des populations qui avaient pu lui être hostiles de son vivant (Bozóky 2017). Dans les deux cas, le saint apparaît ainsi comme une puissante figure de médiation et d’intégration, sans cesse réinvestie, comme Geneviève Bührer-Thierry a pu le mettre en évidence récemment dans les mondes germaniques et slaves, à propos de saint Adalbert de Prague (Bührer-Thierry 2017).

Les textes sur lesquels se fonde notre étude sont au nombre de huit, répartis de manière équitable en fonction de leur lieu d’écriture : quatre en Angleterre, quatre dans les royaumes scandinaves (Danemark, Norvège, Suède). Pour l’Angleterre, il s’agit de la Passion de saint Edmond par Abbon de Fleury (Winterbottom 1972 : 67-87), de la Vie de saint Oswald par Byrhtferth de Ramsey (Lapidge 2007 : 2-203), de la Vie de saint Dunstan par Osbern de Canterbury (Stubbs 1874 : 69-128) et de la Vie de saint Oda par Eadmer de Canterbury (Turner et Muir 2006 : 2-39). Pour la Scandinavie, il s’agit du corpus hagiographique de saint Olav Haraldsson de Norvège (Passion et Miracles, attribués à Øystein Erlendsson, Jiroušková 2014 : 15-76), des Passions de saint Botvid (Geijer et Schröder 1828 : 377-382) et de saint Eskil (ibid. : 391-395) de Suède et de la Passion de saint Cnut du Danemark par Ælnoth. Les auteurs de ces textes sont majoritairement anglo-saxons, mais parmi eux figurent également un Franc, un Norvégien et deux anonymes d’origine inconnue. Cette sélection de compositions hagiographiques offre un éclairage nouveau sur les relations entre l’Angleterre et la Scandinavie, à travers divers points de vue, divers types d’écriture et divers modèles de sainteté.

La première partie de cette contribution examinera l’image des Scandinaves dans l’hagiographie anglo-saxonne durant les Xe-XIe siècles, à une époque où ces derniers étaient encore en majorité païens. Dans un second temps, nous nous intéresserons à l’influence anglo-saxonne dans l’établissement des cultes de saints locaux en Scandinavie au cours des XIe-XIIe siècles. La troisième partie de l’article sera consacrée à l’influence qui, en retour, s’exerça depuis la Scandinavie vers l’Angleterre.

L’image des Scandinaves dans l’hagiographie anglo-saxonne aux Xe-XIe siècles

Malgré leur cohabitation sur le sol anglais, bien établie à partir des années 870, les relations entre Anglo-Saxons et Scandinaves demeurent hostiles tout au long du Xe et au début du XIe siècle, du moins d’après les sources anglo-saxonnes. Les peuples scandinaves se voient reprocher leur paganisme, auquel ils sont le plus souvent identifiés : ainsi, dans la Chronique anglo-saxonne, ils sont très souvent appelés « païens » (hæðenan), sans plus de précisions. En réalité, nombre d’entre eux se convertissent au christianisme : au début des années 940, le paganisme a presque disparu de Mercie (Bauduin 2019 : 491). Mais l’image qui continue de primer est celle d’un autre, forcément différent.

Certains Scandinaves s’intègrent alors à la société anglo-saxonne sur une ou plusieurs générations. C’est le cas de saint Oda († 958), né sur le sol anglais de parents danois. Converti au christianisme à la fin du IXe siècle, il fut l’un des précurseurs de la Réforme bénédictine en Angleterre. Les principales sources concernant son existence sont la Vie de son neveu saint Oswald d’York par un moine de Ramsey nommé Byrhtferth, texte datant du début du XIe siècle, et une Vie de saint Oda rédigée tardivement, au XIIe siècle, par Eadmer de Canterbury. Bien que reprenant de nombreux éléments à la Vie de saint Oswald, le texte d’Eadmer introduit de nombreux nouveaux épisodes et précise davantage la chronologie, ce qui semble indiquer d’autres sources en plus de Byrhtferth ; parmi ces dernières, Turner et Muir recensent les Vies de saint Dunstan par Adélard et Osbern, et proposent d’y rajouter, à titre d’hypothèse, une Vie de saint Oswald aujourd’hui fragmentaire figurant dans la Chronique de Ramsey (Turner et Muir 2006 : xxxvi).

Byrhtferth rapporte qu’Oda était peut-être issu d’une famille païenne arrivée en Angleterre avec Ingvar, c’est-à-dire avec la « Grande Armée » de 865 (Lapidge 2007 : 16). Selon l’auteur, cette origine expliquerait le caractère impie de son père. Ce dernier châtie le jeune Oda lorsque celui-ci est attiré par le christianisme. Oda quitte le domaine familial, abandonne son héritage et se réfugie auprès de l’ealdorman Æthelhelm. Son ascension dans la hiérarchie ecclésiastique est rapportée de manière brève : il est d’abord diacre, puis prêtre, puis évêque, et enfin archevêque de Canterbury. Plus loin dans la Vie, nous apprenons que, parallèlement à sa carrière dans le clergé séculier, il a aussi pris l’habit monastique dans l’abbaye continentale de Saint-Benoît de Fleury (Lapidge 2007 : 38)3.

Dans le récit d’Eadmer, Oda est également issu d’une famille païenne arrivée en Angleterre avec Ingvar (Turner et Muir 2006 : 4). Mais de nouveaux détails font leur apparition dans cette version : ainsi, le jeune homme a été chassé et déshérité par son père, qui apparaît donc encore plus antipathique et brutal que chez Byrhtferth. Oda, recueilli par Æthelhelm, est alors introduit à la cour du roi Alfred de Wessex (ce qui permet de situer l’action dans les années 890) : il devait demeurer, toute sa vie, proche du pouvoir royal anglo-saxon. Durant son éducation, il apprend le latin et le grec au point de maîtriser les deux langues (Turner et Muir 2006 : 6)4. Cette mention est importante : en effet, à partir du règne d’Édouard l’Ancien (899-924) puis de son successeur Æthelstan (924-939), un vocabulaire grec recherché fait son apparition dans les textes latins des chartes anglaises. C’est le style herméneutique (Lapidge 1975 : 99-101), appelé à devenir la manière d’écrire dominante en Angleterre jusqu’au milieu du XIe siècle. Ce style est par ailleurs étroitement associé à la Réforme bénédictine ; or, Eadmer accorde une importante place au fait qu’Oda, avant de devenir archevêque, soit devenu moine. Comme Byrhtferth, il rapporte que le saint a reçu son habit monastique de Fleury, un actif foyer réformateur du continent à cette époque. Il rajoute un nouveau détail : Oda ne s’est pas rendu lui-même à Fleury, mais des moines de ce monastère ont fait le trajet inverse pour le rencontrer outre-Manche, ce qui atteste un contact direct (Turner et Muir 2006 : 16-18).

Oda est ainsi un parfait exemple d’assimilation d’un individu d’origine scandinave à la chrétienté anglo-saxonne, à tel point qu’il a dépassé ce modèle en y introduisant de nouvelles idées qui devaient laisser une profonde empreinte. Cette intégration s’est par la suite propagée au reste de sa famille : son neveu, saint Oswald († 992), sujet principal de l’hagiographie de Byrhtferth, s’est rendu à Fleury (Lapidge 2007 : 38-50), puis est devenu archevêque d’York, participant de manière tout aussi active à la Réforme bénédictine.

La valorisation de la figure de saint Oda par les ecclésiastiques anglo-saxons ne doit pas faire oublier que la perception des Danois reste encore largement péjorative dans l’hagiographie composée en Angleterre. Si, au cours du Xe siècle, la tendance est à la christianisation et à l’intégration des familles scandinaves installées en Angleterre, en revanche, les vikings de Scandinavie demeurent majoritairement fidèles aux religions ancestrales. Quelques chefs de passage en Angleterre y sont baptisés, comme le Norvégien Håkon le Bon, dont le roi anglais Æthelstan (924-939) est le parrain et père adoptif, mais cela reste rare5. L’image dominante, dans la littérature anglo-saxonne comme ailleurs en Europe occidentale, est celle du viking païen et barbare. Dans les sources anglaises, lorsqu’ils ne sont pas appelés « païens », les Danois et autres Norvégiens sont bien souvent qualifiés de « pirates ». L’hagiographie reprend à son compte ce stéréotype, comme le montre l’image des Danois dans la Passion de saint Edmond d’Abbon de Fleury et la prophétie de saint Dunstan rapportée par Osbern dans sa Vie du prélat.

Le moine franc Abbon6, issu du monastère Saint-Benoît de Fleury, a vécu pendant trois ans (985-988) en Angleterre, à l’invitation de saint Oswald d’York, qui l’a fait écolâtre du monastère de Ramsey. Durant son séjour à Ramsey, Abbon a composé un texte appelé à devenir très célèbre en Angleterre : la Passion de saint Edmond, relatant le martyre de ce roi d’Est-Anglie survenu vers 870, à l’époque de la « Grande Armée ». Cette biographie, composée à l’attention d’un public anglais, présente les vikings sous un jour très sombre. Ils sont les envoyés du diable en personne ; ils pillent les cités, brûlent les églises et massacrent le peuple sans merci ; ils sont même anthropophages (Winterbottom 1972 : 71-73)7. Leur chef, Ingvar, est le fils de Satan (Winterbottom 1972 : 71, unum ex suis membris [...] inmisit, « [le diable] envoya l’un de ses membres », et 76, filius diaboli, « fils du diable », dans la bouche d’Edmond). Enfin, Abbon parle d’eux en des termes apocalyptiques : ils sont les disciples de l’Antéchrist, ceux qui portent le signe de la Bête (Winterbottom 1972 : 72). Ils sont également rapprochés du stéréotype antique des barbares, notamment par leur origine géographique : l’auteur les fait venir de Scythie et des monts hyperboréens, réputés pour leur position à l’extrême Nord du monde (Winterbottom 1972 : 72). Pour servir le propos hagiographique, le rôle des Danois dans la mort d’Edmond est considérablement amplifié par rapport aux faits historiques : d’un roi mort au combat, on passe à un roi qui s’est livré de son plein gré, sans combattre, aux païens qui le réclamaient, afin de subir le martyre (Winterbottom 1972 : 74-80).

La Passion de saint Edmond a été rédigée vers 987. À cette époque-là, les relations entre Anglo-Saxons et Scandinaves, après trente ans de paix, commencent à se détériorer. À partir du début des années 990, les raids vikings en Angleterre reprennent de plus belle, et une longue guerre de plus de vingt ans débute, qui mène finalement à deux conquêtes de toute l’Angleterre par les Danois, d’abord en 1013 puis en 1016. Or, les Danois étaient alors en train de se convertir au christianisme sous l’influence de missionnaires venus de Germanie, et principalement de Brême et Hambourg. Du côté des Norvégiens, la christianisation se poursuit, résultant de contacts avec les Anglais. Ainsi un chef norvégien, Olav Tryggvason, de passage en Angleterre, a été baptisé en 991 ou 994 par l’évêque Alphège de Winchester8. Cet Olav, rentré en Norvège sous le titre de roi, tente de christianiser tout son peuple, sans grand succès toutefois. Malgré cette évangélisation progressive, les vikings conservent en Angleterre une image très négative, que vient encore ternir en 1012 le martyre d’Alphège, devenu entre-temps archevêque de Canterbury : ce dernier est lapidé par les Danois, ce qui provoque une grande émotion dans toute la chrétienté occidentale (Gautier 2012 : 129-130). Ces temps troublés sont décrits, quelques décennies plus tard, par l’hagiographe Osbern de Canterbury dans sa Vie de saint Dunstan qui doit être datée des alentours de 1090. Osbern attribue à saint Dunstan, archevêque de Canterbury de 959 à 988, une prophétie qui aurait annoncé l’arrivée des vikings en Angleterre dans les années 990, en guise de châtiment divin pour la mauvaise conduite du roi Æthelred (978-1016). Cette prophétie intervient à trois reprises dans l’œuvre : aux chapitres 37, 39 et 46. La première mention, celle du chapitre 37, rappelle le caractère étranger des vikings : ils ne parlent pas anglais et n’observent pas le rite chrétien (Stubbs 1874 : 114-115)9. La seconde parle des invasions en termes péjoratifs, les présentant comme la pire calamité de l’histoire d’Angleterre (Stubbs 1874 : 117)10. Ces deux premières occurrences de la prophétie interviennent dans la bouche de Dunstan. Enfin, dans la troisième mention, cette fois rapportée par l’auteur dans un passage narratif, la prophétie se réalise : peu de temps après la mort de Dunstan, les Danois pillent les cités, massacrent le peuple innocent, renversent les autels, brûlent les églises et tuent les prêtres. Une description vivante et terrifiante est donnée du martyre de saint Alphège (Stubbs 1874 : 127-128). Le portrait des vikings ne s’est guère amélioré depuis Abbon de Fleury. Néanmoins, un siècle s’est écoulé depuis Abbon, et entre-temps la christianisation des peuples scandinaves dans leurs régions d’origine avait pris racine avec succès, suscitant des saints Nordiques comme Olav Haraldsson de Norvège, Cnut IV du Danemark, ou l’évêque Botvid en Suède. À cette implantation du christianisme en terre scandinave, les Anglo-Saxons ne furent pas étrangers.

L’influence des Anglo-Saxons sur la chrétienté scandinave naissante aux XIe-XIIe siècles

Dans les années 1010, deux figures politiques importantes émergent en Scandinavie : Olav Haraldsson (†1030), roi de Norvège (1015-1028), et le Danois Cnut le Grand, roi d’Angleterre (1016-1035), du Danemark (1019-1035) et de Norvège (1028-1035). Chacun de ces deux souverains a joué un rôle important dans l’évolution et le rapide développement des échanges entre l’Angleterre et la Scandinavie, le premier en christianisant son royaume avec l’aide de missionnaires anglais, le second en unifiant les deux régions sur le point de vue politique. Par ailleurs, dans les années 1020, les missionnaires portent leur intérêt sur la Suède. Cette dernière, davantage tournée vers les peuples orientaux (notamment la Rus’)11, était demeurée jusqu’alors plus ou moins à l’écart de la chrétienté romaine, et le paganisme y était encore la religion dominante. La Suède jouxtait l’empire de Cnut ; cela explique sans doute que la majorité des missionnaires qui y furent envoyés aient été d’origine anglo-saxonne. Citons quelques noms : Osmund, évêque de Sigtuna; Eskil, évêque de Tuna et martyr ; et le moine David de Munktorp. Le saint martyr Botvid, pour sa part, bien que Suédois de naissance, avait également été converti au christianisme en Angleterre. Un modèle de sainteté se répand alors dans toute la Scandinavie, celui qui s’était établi chez les Anglais au Xe siècle, en grande partie par l’œuvre de saint Oda. La boucle était bouclée.

Ces saints suédois sont les sujets de récits hagiographiques, souvent courts et toujours anonymes. Les Passions de saint Botvid et de saint Eskil sont celles qui intéressent le plus notre propos. La Passion de saint Botvid nous présente le saint comme un Suédois païen, découvrant le christianisme auprès d’un prêtre en Angleterre, où il s’était rendu pour des raisons commerciales. De retour en Suède, il en entreprend l’évangélisation, mais il est trahi sur une île par un prisonnier slave qui lui coupe la tête dans son sommeil. Plus tard, quand ses compagnons recherchent son corps pour l’enterrer, un oiseau les guide par son chant jusqu’au bon endroit ; là, le corps est retrouvé intact, avec la tête recollée. Ce récit de l’invention du saint, bien que correspondant à un topos établi de longue date dans la chrétienté, ne peut que nous rappeler la Passion de saint Edmond : comme Edmond, Botvid est décapité et laissé sans sépulture en pleine nature par ses bourreaux ; comme Edmond, il est protégé par un animal qui disparaît une fois l’invention accomplie (pour le roi d’Est-Anglie, il s’agissait d’un loup) ; comme pour Edmond, son corps redevient intact.

La Passion de saint Eskil, de longueur à peu près similaire, a pour caractéristique principale l’omniprésence des parallèles bibliques : c’est ici presque chaque action des personnages qui est rapprochée d’un épisode des Écritures, le plus souvent de l’Ancien Testament. Bien que nous n’ayons aucun indice sur les origines géographiques de l’auteur, nous voyons clairement qu’il possédait une très bonne connaissance de la Bible. Si nous examinons à présent l’image qu’il donne de la Suède, des païens et de la christianisation, nous nous rendons compte que les conventions de l’hagiographie occidentale sont, ici aussi, parfaitement respectées : le Nord est, comme chez Abbon, une terre « froide et inculte », où le diable sème le trouble ; les païens sont appelés « fils de Bélial » et sont décrits de manière crue comme des barbares, buvant le sang des animaux et mangeant leur graisse lors de sacrifices faits à leurs dieux. Eskil, ainsi que son parent l’évêque Sigfrid, sont vus comme les sauveurs envoyés par Dieu au milieu de ce paysage démoniaque. L’auteur insiste, à deux reprises, sur leur origine britannique : les Anglo-Saxons sont encore une fois érigés en modèles de vie chrétienne dans cette Passion.

Intéressons-nous à présent à un saint danois de la fin du XIe siècle. Saint Cnut IV du Danemark († 1086) correspond au type du roi martyr, comme Edmond ou Olav. Sa vie a fait l’objet d’une Passion anonyme composée à Odense, lieu de son martyre, peu après 1095 (Gelting 2011 : 37), puis d’une autre due à Ælnoth, hagiographe anglo-saxon résidant au Danemark, et datant sans doute de 1111-1112 (Gelting 2011 : 39). L’un et l’autre texte témoignent de l’importance acquise par les modèles littéraires anglais, en même temps qu’ils développent une image positive des rapports entre Scandinaves et Anglo-Saxons.

La Passion de saint Cnut par Ælnoth contient un épisode très intéressant pour l’étude des contacts entre Anglais et Danois près d’un demi-siècle après la fin de l’empire de Cnut le Grand. Lorsque les Normands conquièrent l’Angleterre en 1066, les Anglais sont, selon Ælnoth, écrasés par leur tyrannie, et c’est vers les Danois qu’ils se tournent alors pour trouver de l’aide (Gertz 1908 : 96-98). Ce qu’Ælnoth nous livre ici, est un point de vue rare, du moins dans les sources écrites, sur la question normande : celui d’un Anglo-Saxon exilé, et par conséquent libre d’exprimer son ressenti. Par cette prise de position, incluse dans une hagiographie royale, il cherchait sans doute à gagner les Danois à sa cause.

Si l’on examine la forme, le style et le vocabulaire employés par Ælnoth dans sa Passion, on constate tout d’abord que l’œuvre est écrite, fait rare, dans une alternance de prose et de vers. Cette particularité peut dénoter une influence du style anglo-normand introduit à Canterbury par l’archevêque Lanfranc après la conquête (Gelting 2011 : 42). On rencontre par ailleurs dans ce texte de nombreux termes savants et rares, dont des emprunts quelquefois inattendus au grec : protoplastus, « le premier homme » (Gertz 1908 : 87) ; gazae, « richesses », utilisé trois fois (Gertz 1908 : 90, 91 et 107) ; doxa, « gloire » (Gertz 1908 : 109) ; pneuma, « esprit », ici le Saint-Esprit dans la formule finale de louange de la Trinité (Gertz 1908 : 136). À plusieurs reprises, l’auteur fait référence à la mythologie, et plus particulièrement à la guerre de Troie (mais aussi à Cerbère ou au chant des Sirènes). Il explique également, par des étymologies tantôt exactes et tantôt fantaisistes, les toponymes danois (par exemple Roskilde, Dalby, Hedeby...). Ces dernières caractéristiques sont toutes partagées avec la littérature herméneutique anglo-saxonne, et peuvent être retrouvées dans les textes principaux de ce style, comme la Vie de saint Dunstan par le prêtre B. (rédigée vers l’an mil) ou la Vie de saint Oswald par Byrhtferth. On note toutefois un décalage temporel : alors que le style herméneutique avait atteint son apogée en Angleterre au début du XIe siècle, il y était totalement démodé vers 1100, au moment où Ælnoth l’importait au Danemark. Mais les échanges culturels jouèrent aussi dans l’autre sens comme le montrent les conditions dans lesquelles ont été diffusées le culte d’un autre souverain scandinave, Olav Haraldsson.

De Scandinavie vers l’Angleterre : la diffusion du culte de saint Olav Haraldsson

Né vers 995, Olav Haraldsson est connu par des sources aussi bien ecclésiastiques et latines (la Passion et les Miracles de saint Olav) que profanes et norroises (le poème scaldique de l’Erfidrápa Óláfs helga). D’origine païenne, il prend d’abord la tête d’expéditions à l’étranger. De passage en Angleterre vers 1014, au moment où la guerre est à son comble entre les vikings et les Anglo-Saxons, il y découvre le christianisme. Il est baptisé à Rouen en Normandie12, sans doute au moment de l’exil de la cour d’Æthelred (soit en 1013-1014). De retour en Norvège en 1015, il en devient le roi. Poursuivant l’œuvre de son prédécesseur Olav Tryggvason, il entreprend un vaste programme de christianisation de la région. Pour cela, il fait appel à des évêques missionnaires originaires d’Angleterre, parmi lesquels un certain Grimkjell tient le premier rôle13.

En 1028, pour des raisons politiques, Olav doit quitter la Norvège. Il se réfugie un temps dans la Rus’ de Kiev, puis retourne dans son royaume deux ans plus tard, en passant par la Suède (Jiroušková 2014 : t. 2, 27). Mais le 29 juillet 1030, à Stiklestad, il trouve la mort au combat face à une coalition de Norvégiens révoltés et de Danois, menée par le roi Cnut le Grand du Danemark.

Olav Haraldsson devient très vite le héros de sagas en langue vernaculaire ; et si son corpus hagiographique officiel est assez tardif (la Passion date de la seconde moitié du XIIe siècle), il semble cependant qu’il ait été très tôt vénéré comme saint par le peuple norvégien. Le culte est attesté de manière à peu près sûre aux alentours de 1040 en raison de sa mention dans l’Erfidrápa (Coviaux 2002 : 211-212), et pourrait s’être développé en signe de résistance à l’occupant danois14. Olav devait demeurer le saint le plus important de l’Europe du Nord jusqu’à la Réforme protestante du XVIe siècle. Il incarne le type du roi martyr, ayant combattu pour le Christ : ce modèle de sainteté, peu courant dans les régions de l’Ancien Monde romain (Italie, Gaule, Espagne), était très prisé par les Anglo-Saxons, depuis saint Oswald de Northumbrie († 642, à ne pas confondre avec le saint évêque Oswald d’York mentionné plus haut) jusqu’à saint Édouard le Martyr († 978), en passant par le fameux saint Edmond.

Le culte d’Olav, premier saint scandinave, se diffuse rapidement en Angleterre. Cette bonne réception du culte dans le monde anglo-saxon peut s’expliquer, selon l’hypothèse de Stéphane Coviaux, par la présence d’une forte population d’origine scandinave, et notamment de « l’aristocratie anglo-danoise » installée après 1016 : il s’agirait ainsi d’un « culte identitaire » (Coviaux 2002 : 223). Néanmoins, il connaît aussi un important développement dans des régions anglaises qui avaient été peu exposées à l’influence scandinave. Ainsi, le nom du martyr apparaît déjà, dès les années 1050, dans un calendrier liturgique du sud-ouest de l’Angleterre, provenant sans doute de Sherborne, alors chef-lieu de l’évêché du Dorset (Coviaux 2002 : 214)15. Il est probable que Grimkjell ait joué un rôle important dans cette diffusion précoce : en effet, on remarque que le culte d’Olav fleurit précisément sur l’itinéraire qu’a parcouru l’évêque. Dans les années 1030, celui-ci se trouve encore en Norvège ; c’est à partir de 1038-1039 qu’il rentre en Angleterre (Coviaux 2002 : 217-218 et 221).

À la fin du XIIe siècle, le corpus hagiographique latin de saint Olav montre un culte vivace et international, en expansion constante. C’est particulièrement vrai pour le recueil de cinquante Miracles, rédigés par couches successives sur une centaine d’années, et qui font intervenir des personnages d’horizons très variés englobant toute l’Europe : Norvège, Danemark, Suède, Islande, mais aussi Irlande, Angleterre, France, Espagne, Russie, Constantinople, les régions baltes (avec une mention des Estes) et les contrées polaires (avec les Sames). Les treize miracles les plus récents sont dus à la plume d’un certain Øystein, archevêque de Nidaros (1163-1187), qui est aussi en toute vraisemblance l’auteur de la Passion de saint Olav. Cet hagiographe norvégien est par ailleurs connu pour avoir passé les dernières années de sa vie en Angleterre, où a été copié le manuscrit le plus complet du corpus hagiographique d’Olav ; ce manuscrit, provenant de l’abbaye de Fountains dans le Yorkshire, pourrait d’ailleurs être autographe.

La Passion de saint Olav s’ouvre par une description de la Norvège, pays natal de l’auteur, dans des termes péjoratifs : c’est une terre froide, peuplée d’infidèles, et où le diable règne en maître avant l’arrivée salvatrice d’Olav (Jiroušková 2014 : t. 2, 15-16). Il s’agit là d’une vision très proche de celle qu’Abbon de Fleury nous donnait des pays scandinaves dans sa Passion de saint Edmond : Øystein adopte ainsi un point de vue occidental, et non septentrional, sur la Norvège16. Le même auteur, dans les Miracles, propose une autre description de paysage norvégien : une forêt dense, sur le flanc d’une montagne haute, dans laquelle est creusée une grotte sombre et profonde, où le diable et d’autres démons attirent un jeune homme et le retiennent prisonnier jusqu’à ce que saint Olav apparaisse pour le délivrer (Jiroušková 2014 : t. 2, 67-69). Cette vision, peut-être inspirée des paysages réels de la Norvège, montre encore une fois une image terrible : celle d’une nature sauvage, dans laquelle le mal est omniprésent. La construction d’un décor où chaque nouveau lieu est contenu dans le précédent ajoute un effet dramatique, tant par le rétrécissement focal dont elle procède que par la sensation de l’éloignement progressif qu’elle procure d’avec la civilisation. Encore une fois, Øystein se rapproche de la vision occidentale du Nord barbare.

La reprise des stéréotypes occidentaux concerne aussi le roi danois qui a triomphé d’Olav : Cnut le Grand, qui a conquis l’Angleterre en 1016, est à la tête d’un puissant empire anglo-scandinave, facilitant ainsi la circulation des idées et des personnes entre les deux grandes régions de son royaume. Bien que décrit comme mauvais, voire païen, dans la Passion de saint Olav17, Cnut est en réalité un roi chrétien, qui se rend même jusqu’à Rome en 1027 pour y assister au couronnement de l’empereur Conrad II. C’est sous son règne, comme nous l’avons vu, que débute le vaste programme de missions pour évangéliser les régions païennes de la Suède voisine.

En définitive, l’histoire du développement du culte de saint Olav témoigne d’une circulation à double sens : il s’agit certes d’un saint scandinave, mais dont le dossier littéraire reprend des modèles anglo-saxons qui facilitèrent à l’évidence sa diffusion en Angleterre.

La circulation des modèles hagiographiques, et chrétiens en général, entre l’Angleterre et la Scandinavie, a donc abouti à des assimilations progressives qui se sont développées selon des rythmes variés. Ainsi les vikings demeurent-ils, même après leur christianisation, des païens redoutables aux yeux des Anglo-Saxons au XIe siècle. De même, les modes littéraires d’Angleterre, comme celle du style herméneutique, apparaissent en Scandinavie lorsqu’elles disparaissent de leur pays d’origine. Enfin, les Vies de saints rois anglais des Xe-XIe siècles inspirent les modèles de sainteté du Danemark, de la Norvège et de la Suède : à Edmond et Édouard répondent Olav et Cnut. Plus tardivement, Éric de Suède (†1160) devait à son tour allonger cette liste des rois martyrs scandinaves ayant accédé à la gloire des autels.

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--, 2018, Au temps des Vikings, traduit de l’anglais par PIGNARRE P., Paris : Éditions La Découverte.

Notes

1 Suivant les propositions de Gautier 2017a : 103, nous écrivons « viking » sans majuscule, car le terme désigne un mode de vie, celui des « pirates » (sens de ce nom commun en vieux norrois), sans critère ethnique ou culturel. Tous les vikings n’étaient pas nécessairement scandinaves. Retour au texte

2 Nous appelons ici « Anglo-Saxons » les habitants anglophones de l’Angleterre médiévale, comprenant aussi bien des Angles et des Saxons proprement dits que des Bretons assimilés à la culture germanique. Retour au texte

3 Sur les relations entre le monastère de Fleury et l’Angleterre, voir Gougaud 1923. Retour au texte

4 Le texte dit : Graeca et Latina lingua [...] Factusque est in utraque lingua ualde gnarus, « Et il devint fort savant dans chacune des deux langues ». Retour au texte

5 Sur les baptêmes de chefs norvégiens en Angleterre au Xe siècle, voir Bagge et Nordeide 2007 : 135. Retour au texte

6 Pour des études sur la figure d’Abbon, voir Dufour et Labory 2008, et Bosc-Lauby et Notter 2004. Retour au texte

7 Cf. spéc. à la page 72 : quidam ex eis populi uescuntur humanis carnibus, qui ex facto Greca appellatione Antropofagi uocantur, « certains de ces peuples se nourrissent de chair humaine, ce pourquoi on les désigne par l’appellation grecque d’Anthropophages ». Retour au texte

8 Les historiens semblent divisés sur la datation exacte du baptême d’Olav Tryggvason. Certains, comme Bagge et Nordeide 2007 : 135, donnent la date de 991 ; d’autres, à l’instar de Bauduin 2019 : 407, placent l’événement en 994. Nous ne nous prononcerons pas ici en faveur de l’une ou de l’autre date. Retour au texte

9 Cf. spéc. à la page 115 : regnum alienum cujus ritum et linguam gens cui præsides non novit, « un royaume étranger dont le peuple auquel tu [=Æthelred] présides ne connaît ni le rite ni la langue ». Retour au texte

10 D’après le texte : mala qualia non fuerunt ex quo gens Anglorum regnare cœpit, « des maux tels qu’il n’y en a jamais eu depuis que le peuple des Anglais a commencé à régner ». Retour au texte

11 Il est attesté un commerce indirect, par l’intermédiaire des Rus’, entre les Suédois et le califat de Bagdad durant les IXe-Xe siècles (Bauduin 2019 : 61-62). Retour au texte

12 D’après la Passion ; cf. Jiroušková 2014 : t. 2, 17 : ad baptismi gratiam in urbe Rotomagi [...] conuolauit, « il accourut vers la grâce du baptême dans la ville de Rouen ». Retour au texte

13 Le nom Grimkjell trahit une ancienne origine scandinave : il est construit à partir de grim, composant typiquement scandinave signifiant « féroce », et de ketill, signifiant « chaudron » en norrois. Grimkjell est donc sans doute le descendant d’une famille d’occupants scandinaves arrivés en Angleterre au IXe ou au Xe siècle. Retour au texte

14 On ne peut établir avec certitude que le culte de saint Olav soit apparu en Norvège avant la fin de l’occupation danoise en 1035 ; cf. Coviaux 2002 : 214 et 219-221. Retour au texte

15 Le manuscrit contenant ce calendrier est aujourd’hui conservé à Cambridge, Corpus Christi College, sous la cote MS 422 ; le nom d’Olav apparaît p. 35, à la date du 29 juillet, en compagnie d’autres noms de saints plus anciens et issus du monde romain, comme Félix, Simplicius ou Béatrice. Retour au texte

16 Øystein pousse par ailleurs l’occidentalisation encore plus loin dans les Miracles, en latinisant son propre nom en Augustinus. Retour au texte

17 Voir Jiroušková 2014 : t. 2, 27. Cnut apparaît ici comme un corrupteur, et comme le chef d’une armée de païens, bien que n’étant pas appelé « païen » lui-même. Retour au texte

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Référence électronique

Michel Belliart, « Saints et païens : Anglo-Saxons et vikings à travers quelques sources hagiographiques (Xe-XIIe siècle) », Mosaïque [En ligne], 16 | 2021, mis en ligne le 19 janvier 2022, consulté le 14 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/mosaique/281

Auteur

Michel Belliart

Michel Belliart est doctorant en histoire médiévale au laboratoire IRHiS (Institut de Recherches Historiques du Septentrion UMR 8529) de l’Université de Lille. Ses recherches portent sur les textes hagiographiques écrits dans les régions en marge du monde latin (Europe centrale, Europe septentrionale et monde anglo-saxon) entre le Xe et le XIIe siècle.

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