Texte

Lorsque le mot « physique » vient à l’esprit, celui de « chimie » arrive, ne serait-ce qu’à cause / grâce à l’enseignement scientifique délivré aux collégiens et aux lycéens. Pourtant, lorsque le déterminant s’adjoint à ce nom, le sens explose. À n’en regarder que l’article composé par D’Alembert pour Le Dictionnaire raisonné, ce n’est pas moins de dix-sept renvois que l’on compte. Définir la physique, c’est apprécier son histoire à travers les théories et les systèmes, c’est étudier le mouvement mais aussi la nature, ce sont des corps et des espaces, les mathématiques mais aussi l’astronomie. La « physique » seule semble donc échapper à une théorie simple et renfermer en elle-même des problématiques diverses ; et les sciences humaines ont bien leur rôle à jouer pour éclairer son sens.

Puisqu’il faut approcher des domaines aussi divers, une histoire si complexe, et une littérature scientifique (ou non) très riche, nous avons choisi de proposer le thème de « La physique » à la réflexion – en appelant des écrits composés par des philosophes, historiens, littéraires, sémioticiens, des spécialistes des époques antique, médiévale, moderne et contemporaine – afin d’apprécier d’un côté l’évolution des conceptions de la physique selon les époques et selon les milieux philosophiques et intellectuels, et d’un autre côté les nombreux domaines où la physique entre en jeu. La grande liberté du sujet, ne contraignant qu’à une approche d’« humaniste », a ainsi permis l’élaboration d’un numéro hétéroclite, au même titre que la définition même de « physique ».

Le numéro propose ainsi cinq articles approchant la physique selon un angle singulier. Ainsi, on appréciera l’enjeu que furent les objets scientifiques, leur déplacement et leur conservation au lendemain de la Révolution française (Vincent Guillaume), ainsi que l’enjeu de la représentation de l’allégorie scientifique, en particulier d’Uranie, dans l’ornement des horloges (Marie-Ange Jesu Duchatel). Quittant le monde des objets, nous pourrons découvrir avec Marin Mersenne les premiers temps de la « nouvelle physique » à l’époque classique et le rôle que joua la musique dans cette révolution épistémique (Julien Gominet-Brun). Enfin, deux articles permettront de saisir l’importance de l’expression en physique : d’une part, une étude sur les théories philosophiques de l’antiquité proposera un parcours dans l’œuvre de Platon afin de saisir les mécanismes rhétoriques de sa pensée, qui se construit contre celle d’Aristote, accusée de reposer sur des « métaphores » (Marion Pollaert) ; d’autre part, une étude sur l’ethos du vulgarisateur scientifique interrogera les outils verbaux et non verbaux qui permettent d’expliquer plus au grand nombre les théories et les systèmes de la physique contemporaine (Adrien Mathy). Enfin, nous proposons pour conclure ce numéro un entretien avec Bernard Joly, membre de la « secte » des historiens de l’alchimie, qui nous permet finalement de prendre en compte une grande oubliée de la science de la nature et d’interroger les raisons de cet oubli.

On l’aura compris, ce numéro sur La Physique ne propose aucunement une réflexion exhaustive sur cette discipline, mais un échantillon de tout ce que les sciences humaines ont dit, ont pris, ont pensé de la science dite dure, et des manières dont elles continuent à le faire. C’est donc un dialogue qui est proposé entre deux univers, certes séparés par les programmes scolaires et les domaines universitaires, mais qui pourtant ne sont pas étrangers l’un à l’autre.

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Référence électronique

Marine Bastide de Sousa, Valentin Meriaux et Clémence Sadaillan, « Introduction », Mosaïque [En ligne], 18 | 2022, mis en ligne le 03 décembre 2022, consulté le 14 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/mosaique/381

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Marine Bastide de Sousa

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