Musique et physique dans l’Harmonie universelle de Marin Mersenne (1636)

DOI : 10.54563/mosaique.411

Résumés

Cet article se consacre à la question des rapports entre la physique et l’acoustique dans l’Harmonie universelle de Marin Mersenne. L’ouvrage est une source de première importance dans l’histoire de la science moderne et la naissance du mécanisme. La musique constitue en effet pour l’auteur un lieu d’investigation intellectuelle à part entière, où il élabore une méthode d’analyse inspirée par les principes de la nouvelle physique. Dans cette étude, nous voudrions éclairer le projet scientifique de Mersenne et analyser ses stratégies d’écriture. Ludique et vivante, la plume du physicien se donne pour tâche d’interroger le réel et d’en décoder le sens, pour offrir au lecteur une représentation éloquente de la beauté du monde.

This paper deals with the question of the relations between physics and acoustic in the treaty of Harmonie universelle written by Marin Mersenne. The book is a main source in history of modern science, and the birth of mechanism. Music is an important field of intellectual research for the autor. Mersenne elaborates in the book a method of analysis influenced by principles of the new physics. In this study, we want to explain Mersenne’s scientific project, and analyse his literary strategy. The style of writing is playful and living. He aims to question reality, and explain its meaning to show the reader the beauty of the world.

Index

Mots-clés

Mersenne, science, physique, littérature, musique, rhétorique, philosophie

Keywords

Mersenne, science, physics, literature, music, rhetoric, philosophy

Plan

Texte

Introduction

Au XVIIe siècle, avec la révolution scientifique, la physique connaît des bouleversements qui ne seront pas sans effets sur les autres sciences. L’éclatement des savoirs modifie profondément les méthodes, il affecte aussi l’organisation des arts libéraux, dont les liens séculaires sont repensés. Partie prenante du quadrivium (les quatre sciences mathématiques de la tradition médiévale) la musique est confrontée de près à ces mutations. La science du nombre sonore n’entretenait jusque-là qu’un rapport ténu avec la physique. Elle tissera désormais avec elle une relation privilégiée. Celle-ci donnera naissance à une approche inédite du son, à laquelle plusieurs savants œuvreront. De Galilée et Descartes, jusqu’à Sauveur, la musique sera un objet de prédilection de la nouvelle science et un champ d’application exemplaire de ses préceptes (Cohen, 1984 : 75).

L’un des acteurs de cette rénovation est Marin Mersenne, auteur de l’Harmonie universelle en 1636. Dans cette somme, le théoricien présente une étude complète de la musique, qu’il envisage sous l’angle croisé de la science et de l’art. L’étude se veut à la mesure des ambitions du savant : refonder l’harmonie sur des bases rationnelles et empiriques. L’acoustique est un domaine privilégié de son approche. Mersenne lui consacre un grand chapitre de son ouvrage, le Traité de la nature des sons, et des mouvements de toutes sortes de corps. Il le présente dans la première partie, le Livre de la nature et des propriétés du son, qui constitue l’une des études les plus complètes sur le phénomène. Le religieux minime mène une vaste enquête sur le son et ses mécanismes. Il y expose également les principes d’une méthode d’inspiration mécaniste, dont Mersenne fut l’un des promoteurs. Œuvre de musique, l’Harmonie universelle est aussi une réalisation précoce de la science moderne, si ce n’est sa « première production » (Lenoble, 1971 : 370).

C’est ce lien entre la science physique1 et la musique que nous voudrions interroger en étudiant leurs interactions dans le traité de Mersenne. En outre, nous entendons décrypter les stratégies littéraires du théoricien. Celui-ci s’appuie en effet sur une rhétorique qui ouvre le lecteur à la complexité de la musique. Il s’agit tout à la fois pour lui d’en rendre compte et d’éclaircir l’énigme de cet art invisible.

1) Questions d’acoustique

L’acoustique est un champ d’intérêt central pour Mersenne. C’est aussi là où ses ambitions se révèlent avec le plus d’éclat. Soucieux de remonter à la source de la musique, le savant religieux souhaitait ramener l’art à son origine : sa réalité sonore, qui engage le musicien dans un travail d’investigation scientifique. Celui-ci est un préalable à ses yeux indispensable à la pratique et à la composition, sujets qui seront abordés dans la suite du traité.

Toutes les composantes du phénomène sont étudiées : sa constitution physique, le comportement du son dans l’espace et ses différents paramètres acoustiques. L’économie du texte reflète d’ailleurs le sens de la démarche, marquée par l’esprit des traités mathématiques. Les propositions et les corollaires s’enchaînent de façon logique et progressive, comme autant d’étapes à franchir dans l’enquête. Chaque chapitre donne lieu à son tour à des propos structurés, qui se déploient au rythme des raisonnements et des définitions. Toute la rhétorique savante est exploitée et donne au texte une discipline de fer.

Cela est sensible dans la première proposition qui donne le ton du propos : « déterminer si le son se fait devant qu’il soit reçu dans l’oreille […] et s’il est différent d’avec le mouvement de l’air » (Mersenne, 1636 : 1)2. L’étude s’ouvre avec la définition fondatrice. Le son y est décrit comme une agitation du milieu aérien, une vibration corpusculaire sensible à l’oreille. Ce que Mersenne précise dans le courant du chapitre en l’assimilant à une « collision » et à un « mouvement de l’air extérieur ou intérieur capable d’être ouï » (Ibid. : 1-2). L’idée pourrait passer pour la pure et simple reprise des thèses de l’École scolastique qui, dans la tradition aristotélicienne, considère le son comme un « battement d’air » (Ibid. : 2). Elle n’en révèle pas moins une réelle nouveauté qui distingue le savant de ses prédécesseurs (Dandrey, 1990 : 19-23). S’il reprend les termes consacrés, Mersenne se défait des théories de l’ancienne physique, qui identifie le son à « une qualité de la troisième espèce, que l’on appelle ordinairement qualité patible » (Mersenne, 1636 : 1). Ramené à sa réalité acoustique, le son est désormais perçu comme un mouvement vibratoire, et non simplement une qualité. Il acquiert dès lors un statut propre et revêt une épaisseur physique (Bailhache, 1994 : 14). C’est ce qui conduit Mersenne à modifier la portée des analyses de la logique classique : le an sit (« si c’est »), et le quid sit (« ce que c’est ») de la scolastique, qui ouvrent ici à une définition nouvelle du son. Mersenne souligne, en outre, le décalage entre la réalité de ce phénomène et l’ouïe : « tous les mouvements qui se font dans l’air, dans l’eau, ou ailleurs, peuvent être appelés sons, d’autant qu’il ne leur manque qu’une oreille assez délicate et subtile pour les ouïr » (Mersenne, 1636 : 2). Le son n’est pas ordonné à l’ouïe, il n’est pas à son échelle. Débarrassé des canons traditionnels, le théoricien engage une nouvelle enquête dont la notion de mouvement est la clef. Ce travail demande toutefois au lecteur de se défaire de ses certitudes. La science ne s’élabore plus au niveau de l’homme, elle ne dépend plus aussi étroitement d’une anthropologie. Elle invite au contraire le savant à se caler sur une échelle supérieure pour mieux penser les phénomènes3.

Tel est le sens de l’entreprise du minime : établir une cartographie du son et analyser ses nombreuses fonctionnalités. L’observation est le pilier de l’entreprise. Au fil des chapitres, Mersenne scrute les sons d’une oreille avertie, et développe une série de remarques et de questionnements. Le lecteur découvre alors une science établie sur de multiples paramètres, soigneusement catalogués. Le savant étudie ainsi dans les propositions suivantes les causes du son et le problème de la propagation. Il se demande notamment, dans la deuxième, « comme se fait le mouvement et le son » (Ibid. : 3), et explique dans la cinquième « de quelle manière se meut l’air quand son mouvement fait du son » (Ibid. : 9).

La même rigueur est appliquée ensuite aux propriétés du son, dont le physicien décrit les mécanismes : qu’il s’agisse de la fréquence et de l’intensité (Proposition VII), résultats de la « rareté » et de la « force » plus ou moins grandes des « battements » (Ibid. : 12) ; mais aussi d’autres « dimensions », dans la Proposition XVI, comme la « longueur, la largeur et la profondeur », ou encore « l’âpreté » et l’ « aigreur », qu’il range parmi les « accidents du son4 » (Ibid. : 28-29), toutes associés à des variations vibratoires. Le savant analyse les phénomènes sous toutes les coutures. Sa langue en épouse d’ailleurs les contours. Mersenne use d’une écriture riche, forgée par les termes de l’art, mais également par des mots nouveaux qu’il applique au son, comme lorsqu’il parle de sa « longueur ». L’enquête se double ainsi d’un travail de dénomination qui repousse les frontières de l’usage. Héritier de l’esprit de la Pléiade, Mersenne entend faire du français une nouvelle langue de savoir, capable de rivaliser avec le latin (Mesnard, 1991 : 241-245).

Son appétit pour l’expérience l’entraîne aussi à décrire les jeux de la « réflexion » et de l’écho, dans de longues pages où il cherche à en percer l’énigme (Propositions XXVI à XXVIII) : ce phénomène résulte, selon lui, d’une pulsion de l’air qui « retient le même mouvement depuis qu’il a été mu par les corps qui font le son » et « revient » au point initial (Mersenne, 1636 : 50). Les questions s’accumulent devant la richesse du phénomène. Celle-ci se vérifie encore dans les propositions où le physicien étudie la portée du son à travers différents milieux : il tente par exemple de comprendre, dans la Proposition XIV, si le son « passe à travers les corps diaphanes et opaques » (Ibid. : 24), ou encore, dans la trentième, de savoir « de combien le son d’un même instrument est plus grave dans l’eau que dans l’air » (Ibid. : 67). Chaque problème est ainsi l’occasion de mettre en lumière les jeux de forces à l’œuvre dans la nature.

Les principes de la nouvelle science offrent d’ailleurs une grille d’interprétation commune aux problèmes. D’une question à l’autre, Mersenne identifie les lois sous-jacentes aux phénomènes : les jeux de force et de résistance qui affectent le son. Il n’est plus question ici des qualités aristotéliciennes, ni de données occultes et des effets de sympathie pour comprendre la nature des vibrations. Ces théories sont évoquées par le savant, toujours attentif à la tradition, mais elles perdent toute autorité à ses yeux et sont soumises au feu de la critique : comme dans la Proposition III où il détermine « si le son est mouvement de l’air extérieur ou de l’intérieur, qui est dans le corps qui produit le son ». La conception antique des « quatre éléments » (Ibid. : 6-7), qui discerne une analogie entre l’oreille et l’air, est présentée comme une hypothèse. Elle est ensuite rejetée par le jeu de la disputatio, en raison de son invalidité empirique. Seul demeure alors le mouvement du son qui produit, dans la mécanique naturelle, une onde de choc se propageant jusqu’à l’oreille.

Dépourvu de toute magie, le monde est une grande machine, une structure fondée sur des lois qu’il appartient au savant de traduire. Mersenne en donne un répertoire. Il dresse une collection de remarques portant un nouveau regard sur la musique. Le questionnement joue donc une fonction prépondérante. Un problème en suscite un autre par association d’idées et démultiplication du point de vue. Le minime s’inscrit là dans les traditions les plus ancestrales, celle de la quaestio scolastique, mais aussi celle des Problemata du Pseudo-Aristote5. Il les repense néanmoins dans le cadre d’une nouvelle épistémologie qui lui confère un rôle heuristique de premier ordre. Telle est selon lui la vocation du savant : rassembler les données de l’expérience, collecter les faits pour opérer la synthèse de l’acoustique6.

Ouverte et fragmentaire, son étude ne prétend pourtant pas à l’exhaustivité ; elle ne présente pas non plus un système de principes clairement ordonnés. L’organisation de l’exposé, fait de progressions et de ruptures, est à cet égard significative. L’étude se veut cohérente et minutieuse. Elle est également marquée par la profusion des observations. Dans le traité, les questions s’enchaînent au gré des considérations du minime, qui n’hésite pas non plus à revenir sur un problème pour l’approfondir7. La collection relève de ce point de vue davantage d’une liste de dictionnaire, que d’une classification méthodique des éléments. Il s’agit avant tout pour le théoricien de consigner les données de l’acoustique pour poser les bases d’une science en devenir8.

2) La pédagogie de l’esprit

À ce titre, le savoir ne se réduit pas à une somme de résultats, mais il vise en outre l’acquisition d’une méthodologie. Celle-ci à son tour se confond avec une manière d’être, une tournure d’esprit qui habitue l’homme à se défaire des apparences. Le lecteur se trouve engagé dans un cheminement qui le familiarise avec un nouveau mode de pensée. Il suit le rythme patient de la recherche et apprend à scruter le réel. L’étude l’ouvre ainsi à une forme d’ascèse intellectuelle, constitutive de la démarche scientifique.

Cette impression est sensible par l’importance accordée au calcul et au dénombrement. Plusieurs questions évoquent en effet les rapports et les proportions qui structurent le réel. Dans la diversité des observations, une certaine unité se laisse alors percevoir. C’est le cas dans la Proposition XII, lorsque Mersenne entreprend de « déterminer en quelle proportion se diminuent les sons depuis le lieu où ils sont produits, jusqu’à ce qu’ils cessent entièrement » (Mersenne, 1636 : 20). La même évidence apparaît dans la Proposition XV, où il montre que « la sphère de l’étendue du son est d’autant plus grande, qu’il est plus fort, quoique deux ou plusieurs sons ne s’entendent pas de deux ou plusieurs fois aussi loin que l’un d’iceux » (Ibid. : 25). Le son n’est d’ailleurs qu’un épiphénomène, puisque l’ordre s’applique à différents éléments, comme l’indique la Proposition VI, où Mersenne explique que « les sons ont même raison entre eux que les mouvements de l’air, par lesquels ils sont produits » (Ibid. : 11). De façon significative, le savant applique à la physique les principes arithmétiques pour modéliser le réel. La démarche mécanisme se trouve résumée, avec l’expérience et la modélisation mathématique (Lenoble, 1971 : 353-357).

Mersenne s’en fait le défenseur et découvre dans l’acoustique des principes rationnels, une évidence qui rend les choses intelligibles. La méthode demeure malgré tout attachée au mode de pensée traditionnel de l’analogie, hérité de la Renaissance (Foucault, 1966 : 32). À ce niveau, les rapports ne concernent plus les nombres et les structures. Mersenne distingue aussi, de façon plus énigmatique, des relations entre les phénomènes, comme le son et la lumière. Tel est le cas dans la Proposition XXV, où il tâche de montrer « en quoi le son est différent de la lumière, et en quoi il lui est semblable » (Mersenne, 1636 : 44) ; ou quand il explique, dans la dixième Proposition, « en quoi le son est plus subtil que la lumière, et s’il se réfléchit » (Ibid. : 18). L’analogie donne forme au son et permet de mieux saisir son comportement9. Elle sert donc l’observation en raison de sa valeur heuristique. Sur ce point, Frédéric de Buzon a d’ailleurs montré l’originalité de Mersenne par rapport au naturalisme renaissant : l’analogie n’est plus une fin en soi, mais elle s’intègre à une nouvelle épistémologie (Buzon, 1994 : 125).

Dans cette perspective, la similitude vient également en appui des analyses du physicien. La méthode est aussi appliquée à des problèmes plus techniques, comme celui de la résonance, dans la Proposition XI : « le son représente la grandeur et les autres qualités des corps par lesquels il est produit » (Mersenne, 1636 : 19). À la croisée des tendances, l’étude du minime renvoie ainsi aux transformations de l’âge baroque10. Au contact de l’écrivain, le lecteur apprend à voir les correspondances de la nature. La confusion initiale laisse alors progressivement place à une vision harmonieuse. La musique l’aide à décrypter le réel et y percevoir une ordonnance. La lecture épouse le mouvement d’une méditation savante, réitérée au fil des pages. La science devient un terrain d’exercice intellectuel, calqué sur le rythme des observations.

La technicité du propos n’empêche pas, du reste, le plaisir de la découverte. Elle est même constitutive de la méthode. Chez Mersenne, en effet, le regard de l’analyste va de pair avec le goût de l’insolite. Vivante et insatiable, son étude révèle au lecteur des objets étranges, qui transforment le texte en un cabinet de curiosités. L’on retrouve ici une manière ludique d’envisager la science caractéristique de la période baroque (Knecht, 1987 : 5-8). Ainsi en est-il, lorsque, réfléchissant au problème de la propagation, il se demande à la Proposition II : « d’où vient que plusieurs mouvements très vites et très rapides ne font nul son qui puisse être ouï, comme font les mouvements de plusieurs roues », alors que « plusieurs mouvements très petits font de grands sons », à l’image du « fouet de chartier, qui fait un grand bruit » (Ibid. : 3-5). Le minime ressaisit le réel avec une simplicité propice à l’admiration. Les événements les plus anodins offrent prise à une enquête de la nature, où le sérieux se mêle volontiers au merveilleux. Ainsi quand il entend « déterminer pourquoi l’on oit mieux de nuit que de jour » à la Proposition XVII (Ibid. : 30), et se demande, à la XIX, « si le son s’entend mieux de bas en haut » (Ibid. : 33). L’enquête se poursuit jusque dans la sphère privée, à la dix-huitième Proposition : Mersenne y recherche « pourquoi l’on entend mieux les sons de dehors, lorsque l’on est dans une chambre, que l’on n’entend ceux qui se font dans la chambre quand on est dehors » (Ibid. : 33). La science investit tous les lieux et les objets. Le théoricien démultiplie ses approches avec une forme de candeur savamment cultivée. Les questionnements ordinaires se mêlent aux problèmes les plus complexes, sans distinction de valeur ni de hiérarchisation. La banalité se trouve dès lors reconsidérée et les événements appréciés avec la même fascination. Ce goût de l’insolite produit alors un texte bigarré, volontiers provocateur pour le sens commun.

L’observation a, de ce point de vue, partie liée avec l’étonnement, dans un esprit cher à la tradition socratique. Le physicien en applique les leçons avec un enthousiasme qui ne recule devant aucune difficulté, même lorsque les questions paraissent a priori incongrues. Tel est le cas de la Proposition IV où, repoussant les limites de la perception, il se demande « si le son se peut faire dans le vide universel, ou particulier ». Mersenne prend part aux débats du temps sur la question du vide11. Il conçoit, à titre hypothétique, la possibilité de son existence et médite sur le problème tout en rappelant qu’il ne saurait « y avoir de vide dans la nature » (Ibid. : 8). L’imagination joue donc aussi un rôle positif dans la science ; elle révèle en contrepoint l’ingenium insatiable du chercheur. Sa fausse naïveté inspire au lecteur un ravissement reconduit au fil des pages. Mais la science l’oblige aussi à se défaire de ses habitudes pour mieux observer le monde.

La beauté des choses trouve également dans les arts un prolongement. Dans ses rêveries, le savant se plaît à concevoir des applications de la musique à d’autres domaines. Ce qui le conduit à imaginer par exemple, dans la Proposition XXI, de « mesurer la terre » grâce aux sons, « pour faire savoir des nouvelles de ce qui se fait dans tout le monde », et cela en vertu des correspondances entre les corps et leurs empreintes acoustiques (Ibid. : 36). Le même esprit s’applique à des savoirs plus abstraits, comme les mathématiques. Dans la Proposition XXIV, Mersenne se figure que « l’on peut représenter la quadrature du cercle, la duplication du cube, et toutes les choses du monde sujettes à la quantité, par le moyen des sons » (Ibid. : 42). Telle est l’autre leçon du texte : les vérités scientifiques ne sont pas uniquement matière à la contemplation. Elles engagent le philosophe à les mettre en pratique.

Derrière la fantaisie, une éthique du bien commun se dessine. Celle-ci est inspirée notamment au minime par l’œuvre de Francis Bacon (Buccolini, 2014). Loin de se réduire à un spectacle, le traité de Mersenne s’inscrit dans un cadre culturel ouvert à la communauté savante, qu’il engage à sa suite dans ce travail d’exploration. À cet égard, il ne s’agit pas seulement de construire la science, mais de stimuler la recherche en dressant l’inventaire des connaissances. C’est ce mouvement que prolongera d’ailleurs Mersenne dans la suite du traité. Après avoir étudié le son dans le premier livre, il s’emploiera dans le deuxième à l’étude du mouvement de toutes sortes de corps, où il s’intéressera de près aux travaux de Galilée. Il reviendra finalement à l’acoustique dans le Livre 3, consacré aux expériences sur la vibration des cordes. Dans ces pages, s’appliqueront les mêmes principes que dans le Livre des sons, au point d’offrir une synthèse complète de la nouvelle physique, et sa conception mécaniste de la nature.

3) Les jeux de la représentation

L’observation stimule la recherche. Elle implique aussi la mise en œuvre d’un discours clair et instructif. C’est ce qui a conduit Mersenne à modeler une langue vivante et imagée, inspirée par les canons de l’éloquence du temps. Cette écriture suit les deux grandes directions de l’étude : dépeindre l’invisible et expliquer les lois de l’acoustique.

La première pratique est liée aux descriptions présentes dans tout le traité. Les questions donnent en effet souvent lieu à des mises en forme imagées des problèmes acoustiques. Ces illustrations confèrent au discours une représentation vivante et familière, qui tranche avec l’abstraction du sujet. L’une des marques les plus frappantes se trouve dans la Proposition V, où Mersenne décrit « de quelle manière se meut l’air quand son mouvement fait du son » (Mersenne, 1636 : 9). Face à la difficulté, le savant se livre à un travail descriptif pour combler les limites de la perception. Soucieux de clarté, il file dans son commentaire une comparaison aquatique qui donne une image concrète du problème :

Nous vivons dans l’air comme les poissons dans l’eau, mais avec cette différence que nous ne pouvons sortir hors de l'air, ni arriver à sa surface, comme ils font, car ils sautent souvent hors de l'eau, ou se tiennent dessus, mais nous avons toujours plus de cinquante mille lieues d'air sur la tête, car il s'étend jusques à Lune, et peut-être jusques au Firmament, et par-delà (Ibid. : 9).

Invisible et impalpable, le son échappe à la représentation. Il est une pierre d’achoppement pour le physicien, cantonné à quelques intuitions personnelles. C’est ce qui le conduit à déployer les fils d’une analogie, afin de penser autrement le problème de la propagation. Puisant dans les ressources de l’éloquence, sa plume revêt une forme sensible qui ouvre la science à la poésie des images. Par le biais de la comparaison, Mersenne opère alors, non sans humour et fantaisie, un rapprochement à quatre termes – « nous vivons dans l’air comme les poissons dans l’eau » –, qui attribue à l’environnement aérien les qualités similaires au milieu liquide. La description est on ne peut plus traditionnelle et le savant pouvait en trouver des traces dans les traités de musique ancienne qui offraient des rapprochements semblables (Baskevitch, 2008 : 76-77). Il en déploie pourtant les possibilités, en multipliant les tournures correctives – « mais avec cette différence », « mais nous avons toujours » – afin de mieux saisir la singularité du phénomène.

Ce faisant, le jeu de transposition lui permet d’appliquer une réalité familière à un problème inconnu, qui oblige là encore le lecteur au décentrement. Si la preuve manque au savant, elle ne l’empêche donc pas de proposer des hypothèses. Dans ce cadre, la curiosité du procédé n’a d’égale que son efficacité sur le plan heuristique. Mersenne en prolonge d’ailleurs les effets dans la suite du passage :

Or puisque nous ne voyons pas l’air, qui peut être appelé l’eau ou la mer des hommes et des autres animaux, et qui peut-être n'est nullement différent de l'eau, qu'en ce qu'il est plus rare et plus léger, il semble que nous ne pouvons mieux expliquer ou comprendre la manière dont se meut l'air, quand il sonne, que par celle dont se font les mouvements de l'eau par les corps qui se meuvent dedans, et qui la battent avec violence : car il ne faut pas seulement s'imaginer le mouvement qu'on voit sur l'eau, lorsqu'elle fait des cercles qui vont toujours en croissant depuis le lieu où la pierre a été jetée, qui leur sert de centre, jusques au bord du vaisseau qui la contient : mais il faut remarquer si elle fait de semblables mouvements jusques au fond, et si ces cercles s'étendent dans toute la profondeur ou la solidité de l'eau, comme l'on peut conclure tant par les sons qui se font dans l'air, que par ceux qui se font dans l'eau, car on les voit également de tous les côtés, quoiqu'il soit plus malaisé de l'expérimenter dans l'eau que dans l'air (Mersenne, 1636 : 9).

Le savant déploie avec virtuosité les potentialités de l’image. Elle n’est plus alors seulement un moyen de se figurer, de façon approximative, la propagation des rayons sonores. Mersenne a pour ambition de créer une modélisation précise du phénomène, en trois dimensions. L’evidentia de la rhétorique sert de cadre littéraire à l’entreprise. L’analogie est développée à l’échelle du passage, au point de constituer un tableau au relief sensible fortement marqué. L’impression est d’abord liée au déploiement d’un réseau lexical très dense, puisé dans le champ aquatique et dans celui de la physique. Un tel usage donne corps au spectacle et lui assure un effet visuel qui n’est pas sans rappeler les conceptions de l’éloquence baroque sur la description (Galand-Hallyn, 1995 : 418-423).

Les jeux de mouvement sont également sensibles dans cette représentation où tous les corps prennent vie. La personnification est un autre outil essentiel dans la palette graphique du physicien. La volatilité de l’air est comme suggérée avec la prolifération des verbes d’action : « se meut l’air, quand il sonne », « les corps qui se meuvent dedans, qui la battent », pour ne citer que deux exemples. Loin de toute austérité, la plume du savant puise dans la rhétorique des peintures. On voit dès lors tout ce qui le distingue de ses prédécesseurs. Mersenne reprend un lieu commun du discours musical (l’air comme onde), mais il en redéfinit les termes, dans un nouveau style, à la lumière des principes de la nouvelle science : ceux du « mouvement » et de l’inertie, qui ouvrent l’expérience à des proportions inédites. C’est ce qui confère à la description une technicité qui tranche avec la naïveté de l’image. Le mouvement ample de la phrase en est d’ailleurs un autre indice. Celle-ci prend l’allure d’une période oratoire, aux multiples ramifications, qui embrasse la totalité du raisonnement, jusqu’à la conclusion, portée par une cadence majeure. Dans le passage, le rythme de la syntaxe participe pleinement aux visées du discours, selon une logique analogue aux grandes périodes cartésiennes (Cahne, 1980 : 240-242).

Reste que dans ce tableau, le travail d’observation révèle en contrepoint la fragilité d’un savoir en construction. Si les questionnements du physicien manifestent l’ambition de conquérir de nouveaux territoires, ils trahissent en effet bien souvent, comme ici, la limite de ses connaissances. Ces manques n’empêchent pourtant pas Mersenne de concevoir aussi des expérimentations. Nous touchons ici à la seconde modalité du discours scientifique.

Celle-ci est liée à une argumentation fondée sur un système de preuves et de protocoles dûment établis. À ce niveau, il ne s’agit donc plus seulement pour le physicien de construire des modèles explicatifs. Il s’appuie sur l’observation pour dégager certaines constantes du son, des lois permettant de décrire ses comportements. Un bon exemple se trouve dans la Proposition VIII où Mersenne montre que « le son ne se communique pas dans un moment, comme fait la lumière, selon toute son étendue, mais dans un espace de temps » (Mersenne, 1636 : 14). Pour l’expliquer, il s’appuie sur le compte rendu d’une expérience menée quelques années plus tôt au siège de La Rochelle, par l’un de ses correspondants12. En se basant sur ses travaux, Mersenne met en évidence les variations sonores produites par la projection de balles et de boulets de canon pendant la bataille. Cette description singulière lui offre la matière d’un riche enseignement sur les fluctuations sonores :

Les différentes situations apportent de grandes différences aux sons, comme l'on a remarqué au Siège de la Rochelle, dont voici les observations qui en ont été faites très exactement par l'un des capitaines. Lorsqu'on est en même horizon que le lieu d'où l'on tire, et qu'il y a un vallon entre deux, le coup s'entend beaucoup mieux que si on était dans un vallon. Un canon de batterie ayant été tiré le deuxième de Février entre six et sept heures du matin, l'on n'entendit le son qu'après trois secondes que le feu y fut mis, quoique le nord est apportât le son, et que le temps fût serein ; dont on rapporte la cause à la grossièreté de l'air de la mer, et à la moiteur de la poudre : et néanmoins l'on entendit le bruit de la même pièce le même jour, entre une et deux heures après midi par un temps clair, le vent portant le son, un fauconneau fut aussitôt ouï de 1000 pas que la fumée en fut aperçue. Le son d'une pièce portant le boulet de douze livres, tirant de mil cinq cents pas à trois heures après midi par un temps clair aidé du vent, et placé sur une courtine sur l'eau, fut ouï à deux battements de pouls. Le son d'une mousquetade tirée à cinquante pas sur l'eau, le vent étant à demi contraire, et le temps couvert, s'entendit au quatrième battement, quoiqu'une autre mousquetade tirée de 1000 pas au-dessous du vent, par un temps sombre et couvert, une heure devant le jour, près de la mer, n'ait point été entendue (Ibid. : 14-15).

La science ne connaît pas de frontières et s’élabore dans les circonstances les plus inattendues. Avec méthode, le physicien expose des données expérimentales conçues pourtant dans le chaos des affrontements. Il écrit dans un style énergique qui donne du relief à la description. Scrupuleusement, Mersenne rapporte quelques-unes des remarques de l’observateur sur l’intensité et la durée des bruits enregistrés. Les ressources de la rhétorique lui servent une nouvelle fois pour établir le compte rendu. Il établit ainsi avec précision les conditions de l’exercice, à grand renfort d’indications sur les corps sonores – un « boulet de douze livres », une « mousquetade » –, mais aussi sur le temps et les conditions atmosphériques – « le deuxième de Février entre six et sept heures du matin », « entre une et deux heures après midi par un temps clair », « par un temps sombre et couvert » –, ou encore le lieu des expériences – « en même horizon que le lieu d'où l'on tire », « près de la mer ». Il répertorie également le résultat des calculs, qui révèlent la grande variété des phénomènes acoustiques – « l'on n'entendit le son qu'après trois secondes que le feu y fut mis », « Le son d'une pièce […] fut ouï à deux battements de pouls », « Le son d'une mousquetade […] s'entendit au quatrième battement ».

Le mouvement de la phrase se fait plus bref, saccadé. Le savant délaisse l’ampleur de la période au profit d’une syntaxe resserrée, mieux adaptée aux contraintes du résumé. Le lecteur se trouve alors plongé in medias res, au cœur d’événements vécus au plus près, dans le fracas d’une hypotypose qui rend le moment particulièrement saisissant. Dans le désordre des observations, l’arithmétique fournit pourtant un moyen de retrouver le sens de la mesure. La raison se voit rétablie dans ses prérogatives, avec le dénombrement des altérations sonores. Elle discerne en outre les causes de ces changements : les conditions météorologiques – « on rapporte la cause à la grossièreté de l'air de la mer et à la moiteur de la poudre » –, mais aussi la situation géographique, qui modifie aussi les données de l’expérience – « le coup s'entend beaucoup mieux que si on était dans un vallon ». La lourde infrastructure du discours a en soi valeur de preuve. Elle appuie le sens d’une affirmation fondée more geometrico. Dans ce contexte, toutefois, la qualité de l’expérience ne dépend pas uniquement des calculs effectués. Elle engage simultanément la persona de l’observateur. Le physicien s’en fait ici le porte-parole ; il donne crédit à une entreprise conçue dans le cadre d’une sociabilité savante que Peter Dear a remarquablement décrite. Si la science est l’affaire du vrai, elle engage simultanément, à l’âge baroque, la « qualité » de l’artisan (Dear, 1994 : 63). Il s’agit donc aussi pour Mersenne d’emporter l’adhésion du lecteur, comme si la science ne pouvait, dans sa rigueur, échapper aux pouvoirs de l’éloquence.

Dans sa précision, le compte rendu n’est d’ailleurs qu’un acquis temporaire et nécessairement incomplet. En construisant la démonstration, le savant met en lumière l’ampleur des fluctuations acoustiques, soumises à des variations infinies. L’expérience révèle dans le même temps l’impossibilité de dégager des constantes fiables pour établir une physique du son. C’est ce que Mersenne explique dans le courant du chapitre en évoquant les difficultés de la méthode empirique : « il faudrait faire plusieurs expériences pour savoir si la tardiveté du son suit la grandeur des espaces […]. Et parce que les vents et les différentes dispositions de l’air portent les sons plus vite ou plus lentement, l’on ne peut rien établir d’assuré sur ce sujet » (Mersenne, 1636 : 14). Une nouvelle fois donc, l’épreuve de l’observation soumet la raison à la contingence du monde. Elle ouvre la science à des continents inexplorés, qui menacent l’édifice d’un savoir soumis à la recherche inlassable des preuves (Lenoble, 1971 : 346-348). Dans le même ordre d’idées, elle suppose le progrès et une multitude de prolongements. La science dont rêve le minime s’inscrit ainsi dans une histoire en devenir. Son scepticisme ne l’empêche pas de croire en la science, mais celle-ci reste encore à écrire. Partagé entre ces deux attitudes, il apparaît comme le précieux témoin d’une époque désormais ouverte à un univers infini.

Conclusion

Précurseur de l’acoustique, Mersenne engage dans son traité une réflexion ouverte à la diversité des phénomènes, sensible aussi à l’épreuve que le réel fait peser sur la science. Énigmatique, le son ne se laisse saisir qu’au prix d’un décentrement de l’ouïe et d’un effort de questionnement inexorable. En composant son texte, le savant se trouve, de fait, confronté aux limites de la connaissance. Il se montre attentif à la richesse du monde et tâche d’en rendre compte. La physique qu’il élabore n’en demeure pas moins parcellaire. Elle ne se réduit pas à une somme de certitudes, mais elle est une forme en devenir, soumise aux aléas de l’expérience. Dans son imperfection, une telle connaissance est pourtant riche d’enseignements. Elle oblige le théoricien à reconsidérer son art, à se défaire des acquis passés pour le refonder. L’Harmonie universelle révèle, à ce titre, une manière inédite d’envisager la physique. Elle prend acte de la complexité inouïe des faits que l’écrivain a pour charge de traduire. Tel est, nous semble-t-il, le sens profond de l’entreprise de Mersenne, qui ne sépare pas l’appétit du savoir, et l’humble conscience de sa fragilité.

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Notes

1 Nous envisageons dans cet article la physique comme science et opérerons souvent un raccourci entre les deux termes. Retour au texte

2 Tous les titres des Propositions sont cités en italiques, conformément aux dispositions du texte original. Pour toutes les citations de l’Harmonie universelle, l’orthographe est modernisée. Retour au texte

3 C’est ce qui conduit Mersenne à concevoir plus loin l’existence d’ultrasons, émis par un ciron : « s’il a des oreilles, il peut ouïr le bruit qu’il fait en cheminant aussi clairement que nous oyons celui que nous faisons ; et peut-être qu’il oit les consonances et les dissonances qui se font dans les pores du corps, quand le sang et les autres humeurs se meuvent, et s’altèrent de moment en moment par un combat continuel » (Mersenne, 1636 : 188). Retour au texte

4 C’est Mersenne qui souligne. Retour au texte

5 Les Problemata rassemblent des questions philosophiques rangées par disciplines. La musique y est considérée à la section XIX. Mersenne s’y réfère à plusieurs reprises. Retour au texte

6 Sur les évolutions de la pratique expérimentale au début du XVxvjkdnfXVIIe siècle, on pourra se reporter à la synthèse de Christian Licoppe (Liccope, 1996 : 19-52). Retour au texte

7 C’est le cas du phénomène de la propagation sur lequel Mersenne revient dans la Proposition XII : « Déterminer en quelle proportion les sons se diminuent depuis le lieu où ils sont premièrement faits jusques à ce qu’ils cessent entièrement » (Mersenne, 1636 : 20). Il prolonge aussi ses vues sur la fréquence dans la Proposition XXXI : « À savoir si le son aigu est plus agréable et plus excellent que le grave » (Ibid. : 71). Retour au texte

8 Le même esprit de collection guide d’ailleurs Mersenne dans d’autres textes, comme les Questions inouïes de 1634 (Belin, 2007 : 173-175). Retour au texte

9 Michel Biezunski a bien montré l’importance des comparaisons entre le son et la lumière dans la physique au XVIIe siècle (Biezunski, 1993 : 13-43). Retour au texte

10 L’usage de l’analogie n’est d’ailleurs pas propre à Mersenne et se retrouve notamment dans l’œuvre de Galilée (Hallyn, 2004 : 53-57). Retour au texte

11 Robert Lenoble a resitué la contribution de Mersenne en montrant son intérêt pour l’élaboration d’une preuve de l’existence du vide : « dans l'Harmonie, il avait eu l'idée que la preuve du vide pourrait être obtenue expérimentalement si l'on réalisait un milieu où le son ne se propagerait pas, la preuve valant, à tout le moins, pour ceux qui croient impossible le mouvement dans le vide » (Lenoble, 1971 : 431). Retour au texte

12 Mersenne se réfère souvent dans son ouvrage à des réflexions de savants avec lesquels il entretenait une correspondance. Celui-ci n’a toutefois pu être identifié. Retour au texte

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Référence électronique

Julien Gominet-Brun, « Musique et physique dans l’Harmonie universelle de Marin Mersenne (1636) », Mosaïque [En ligne], 18 | 2022, mis en ligne le 03 décembre 2022, consulté le 15 mai 2024. URL : http://www.peren-revues.fr/mosaique/411

Auteur

Julien Gominet-Brun

Julien Gominet-Brun est professeur agrégé de Lettres modernes dans l’enseignement secondaire et docteur en littérature française de l’université Montpellier 3. Il est membre associé de l’Institut de Recherche sur la Renaissance, l’âge Classique et les Lumières à Montpellier (UMR 5186). Il s’intéresse aux rapports entre la littérature et la musique au XVIIe siècle.

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